130 livres

130 livres

Littérature, boxe anglaise et parfois les deux à la fois

Antoine Faure

Des chroniques de livres nouveaux ou anciens, essentiellement en littérature française ou américaine, et des émissions sur l'actualité et l'Histoire de la boxe anglaise. NB : les sujets sur la boxe sont regroupés en Saison 1, les sujets "Divers" en Saison 2. Textes disponibles sur www.130livres.com

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Hellfest 2019 : Retour vers l’enfer (partie 3)

Dimanche matin, le camping que tu traverses en début d’après-midi pour accéder à Hell City est empreint d’une douce torpeur. La fatigue est palpable, les demarches ont raidi et quelques pattes traînent dans la poussière ambiante. Aux douches, la file d’attente s’allonge. Tout le monde n’est pas pressé de rempiler. Tu éviteras de les juger : eux n’ont pas pioncé dans un gîte, mais entendu diverses modulations du cri « APÉROOO » jusqu’à 6 du mat’, suivies par un choeur déchaîné de « Respectez les gens qui dorment ! » pour peu qu’un malheureux ait réclamé le silence. Le camping n’est certes pas une truc de touristes. Las, ton équilibre nerveux, ton bas du dos en balsa et l’accès facilité à des sanitaires te sont désormais trop précieux pour tenter l’expérience à l’âge que tu traînes. Et les plus hagards des visages croisés ne suscitent guère ta jalousie.

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Hellfest 2019, retour vers l'enfer - Partie 2

Le lendemain, tes potes et toi quittez votre gîte un poil plus tard : aucun de vos incontournables n’est programmé d’entrée. Lassé par le harcèlement potache de ta bande, l’ami Pantacourt a passé un kilt, comme une part non négligeable des festivaliers. Un calcul qui comporte sa propre part de risque. Ce matin du deuxième jour est un moment particulier. L’excitation du brutal changement d’environnement qui dure, les quelques courbatures te rappellant les bonheurs de la veille, la joie enfantine d’avoir encore les deux tiers du festival devant toi. En arpentant la départementale, de la bagnole jusqu’aux portes de l’enfer, tu dissertes avec tes copains sur la portée symbolique de cette marche. Tandis que le gros son enfle au loin, la meute des pélerins du métal se fait plus dense, et les premiers signes de la noce apparaissent peu à peu, voiture mal garée couverte de canettes vides, premiers accoutrements délirants, ou apéros sur des tables de camping dépliées devant les Quechuas. Ce parcours est une transition vers un toi ancien, éminemment aimable et dépourvu d’embrouilles de lombaires, de tribu ou de turbin. Un toi essentiel pour qui watts pesants, Kro fraîche, blagues atterrantes et nichons devinables constituent la quintessence de la félicité terrestre.

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Hellfest 2019, retour vers l'enfer - Partie 1

Puisque c’est ton second Hellfest, la question de savoir si tu as bien fait de venir, très prégnante l’an passé, n’est plus d’actualité. Tu sais désormais que ces trois jours du triptyque gros son – libations – régression assaisonneront douze mois de ton milieu de vie comme la ravigote enchante la tête de veau. D’ailleurs, cette fois, tu as pris les choses en main, histoire de ne plus être un putain de clandestin. Plus de viagogol à l’arrache, mais un pass acquis dans l’heure et demie suivant la mise en vente – 55 000 enragés en auront fait autant. Plus d’incruste dans une équipe déjà rodée, mais cinq autres salopards triés sur le volet, dont la plupart causaient déjà sidérurgie musicale avec toi en classe de seconde. Plus de première demi-journée carottée par les transports, mais une arrivée sur base la veille au soir. Autant dire que, cette fois, tu sais ce que tu fous là.

Non, le vrai débat, désormais, serait plutôt d’établir si tu es un touriste. Quelques précisions s’imposent ici. À lire sur la toile les comptes-rendus d’autres que toi, le touriste est unanimement fustigé, mais pullulerait chaque année un peu plus. Plutôt CSP+ que punk à chien, il viendrait surtout à Clisson en SUV Audi pour jouir de l’ambiance d’Oktoberfest vrombissante du festival – parfois même du haut des tribunes VIP honnies. Le bougre logerait ailleurs qu’au camping officiel, n’hésiterait pas à arborer des Tshirts blancs, bouderait l’essentiel des hurleurs satanistes à trognes et patronymes vikings, et s’enthousiasmerait pour les shows mollassons des vieilles gloires les plus inoffensives, soit la programmation des Mainstages passé 19 heures. Pire, par sa seule présence importune, chaque touriste priverait un authentique métalleux d’un séjour au Valhalla. ‘culés, va. Tu as beau ne plus être un bleubite, avoue qu’on pourrait hâtivement t’attribuer une ou deux – ou trois – caractéristiques de l’abject portrait-robot. L’angoisse t’étreint. Touriste, toi ? Tu as trois jours pour (te) prouver le contraire.

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Une flèche dans la tête, Michel Embareck

Pour écrire les 113 – légères – pages d’Une flèche dans la la tête, il a fallu du temps. Sans doute plus que pour publier les 1572 de Guerre et Paix. Déjà, le style ne trompe pas. Un mélange d’oralité, de registre soutenu et d’argot surrané à la sonorité unique. Le genre d’agrégat d’une infinie richesse qui met des lustres à s’ajuster en une langue personnelle, évidente et sûre d’elle, dont aucune des nombreuses ruptures et aspérités ne vient pourtant troubler l’harmonie d’ensemble. Une langue dont on sait qu’on est bien dedans avant de pouvoir dire pourquoi.

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Au dîner des gens pressés

Exceptionnel d’intensité, le débat intérieur qui m’agita à l’heure de décider si j’irais ou non au dîner secret en blanc de ce jeudi 13 juin se concentra presque exclusivement sur la question du pantalon. N’étant ni steward de croisière Costa, ni le jeune Massimo Gargia, le port d’un futal blanc me semblait relever de la faute de carre absolue. Et pourquoi ne pas le choisir en cuir ? Sans déconner.