130 livres

130 livres

Littérature, boxe anglaise et parfois les deux à la fois

Antoine Faure

Des chroniques de livres nouveaux ou anciens, essentiellement en littérature française ou américaine, et des émissions sur l'actualité et l'Histoire de la boxe anglaise. NB : les sujets sur la boxe sont regroupés en Saison 1, les sujets "Divers" en Saison 2. Textes disponibles sur www.130livres.com

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Pays perdu et La première pierre, Pierre Jourde

Sauf à tenir une rare espèce de pédophile négationniste, un auteur français qu’on voulut lyncher par deux fois pour ses écrits, aux sens propre et figuré du terme, mérite que l’on s’y intéresse de près. Le premier cas se présenta lorsque Pierre Jourde publia La littérature sans estomac, hilarant pamphlet brocardant quantité d’auteurs contemporains à succès, et des journalistes littéraires désormais pleinement intégrés au dispositif de promotion de l’industrie du livre. C’est parmi ces derniers qu’on eut la rancune la plus tenace, au point de toujours boycotter l’auteur dix-sept ans après les faits.

Le second mouvement d’une foule haineuse à son endroit aurait pu avoir des conséquences plus tragiques que quelques ronds dans l’eau du Landerneau germanopratin : Pierre Jourde et sa famille furent agressés, poursuivis et caillassés jusque dans leur voiture par une poignée d’habitants du village d’origine de son père. Le motif de cette vindicte s’intitule Pays perdu. Huit ans plus tard, l’auteur relata l’incident dans La première pierre, l’occasion pour lui de s’interroger sur la somme d’incompréhensions y ayant abouti. Quiconque se met à dos intellectuels parisiens et paysans cantalous avec une égale facilité présente en apparence un profil de sale bonhomme chimiquement pur. À moins que Jourde ne soit de l’étoffe raréfiée dont on fait les hommes intègres, plus sûrement coupables de maladresses que de compromissions. Autant se forger son propre avis sur la question.

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L'Albatros, Nicolas Houguet

Il me semble que ça date de mai 2016. Je venais de produire un pensum de 19000 signes sur un concert de hard rock, repris par un site web d’honorable réputation. Vérifiant compulsivement le compteur à « likes », je m’aperçus qu’un zozo avait laissé un commentaire. Trois ou quatre mots aimables, de surcroît. Qui diable laisse encore des commentaires sur un fanzine en ligne, en ces temps où chacun peut hurler à la face du monde l’infinie pertinence de son avis singulier, le tout en un seul clic ? On était donc en mai 2016, et Nicolas Houguet commençait déjà à me courir sur le haricot.

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Femmes, Philippe Sollers

Philippe Sollers a ceci de commun avec Charles Dumont et les dragées Fuca qu’il existe toujours et depuis longtemps, sans avoir connu de récent retour de hype pour autant. Pourquoi diable s’infliger en 2019 les 667 pages de Femmes, que l’intéressé considère comme le magnum opus de sa prolifique carrière de romancier et essayiste ? « Deux mesures de temps à perdre et une de pur snobisme, relevées d’un trait de perversité » constitue une réponse acceptable. Il convient cependant de nuancer : mon histoire avec Sollers date du temps de sa splendeur, le milieu des années 80, lorsque son Portrait du joueur traînait dans la chambre de mes parents. De quoi piquer ma curiosité. Si j’admets avoir mis moins de temps à expérimenter d’autres « lectures de grands » repérées sur les mêmes tables de nuit – SAS et San Antonio en tête -, j’ai fini par chiper ledit Folio pour m’en faire une idée. Le bouquin chapardé est toujours dans ma bibliothèque, bien que l’on en fût restés loin du coup de foudre, Philou et moi.

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La petite femelle, Philippe Jaenada

Lorsqu’il apparaît dans votre champ de vision, Philippe Jaenada y impose une présence d’ogre de village croisé Rapetou, tête ronde au cheveu ras et aux sourcils épais posée sur un menhir drapé de noir. Surnommé « Boit-sans-soif » au sein d’une fine équipe dite des « descendeurs de Ménilmontant », lui-même rappelle à l’envi que le remplissage régulier d’un pareil fût relève du tour de force, mais aussi de la nécessité. L’incipit de La petite femelle est clair sur ce dernier point : « Je suis comme les bébés, quand la nuit tombe, j’ai besoin d’un whisky » (Bien que plus porté sur le raisin fermenté que sur le malt, j’estime disposer de quoi comprendre parfaitement ce dont il parle (Ce n’est pas notre unique point commun, puisque j’ai moi aussi vu le jour à Saint-Germain-en-Laye, 10 ans après lui (À supposer qu’il soit également né à l’hôpital public, notre caste est vouée à l’extinction, puisque la maternité en question a fermé en 2006))). Considérez les trois digressions gigognes qui précèdent comme une tentative d’illustration d’une autre caractéristique du bonhomme : il aime digresser.

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Us, Jordan Peele

Trop de bonnes fées s’étaient penchées sur Get out, le premier film de Jordan Peele, pour ne pas nourrir quelque appréhension pour son deuxième opus Us, résolument positionné sur le même créneau de l’horreur contemporaine à fort arrière-plan sociétal. Get out avait du style, une distribution irréprochable, autant d’ironie que de poil à gratter, une bonne dose de malice et de vraies difficultés à boucler son récit à un niveau conforme aux attentes suscitées par les trois premiers quarts du film. Plus ambitieux dans le propos comme dans la structure, Us surpasse presque en tout point son glorieux prédécesseur.