Sauf à tenir une rare espèce de pédophile négationniste, un auteur français qu’on voulut lyncher par deux fois pour ses écrits, aux sens propre et figuré du terme, mérite que l’on s’y intéresse de près. Le premier cas se présenta lorsque Pierre Jourde publia La littérature sans estomac, hilarant pamphlet brocardant quantité d’auteurs contemporains à succès, et des journalistes littéraires désormais pleinement intégrés au dispositif de promotion de l’industrie du livre. C’est parmi ces derniers qu’on eut la rancune la plus tenace, au point de toujours boycotter l’auteur dix-sept ans après les faits.

Le second mouvement d’une foule haineuse à son endroit aurait pu avoir des conséquences plus tragiques que quelques ronds dans l’eau du Landerneau germanopratin : Pierre Jourde et sa famille furent agressés, poursuivis et caillassés jusque dans leur voiture par une poignée d’habitants du village d’origine de son père. Le motif de cette vindicte s’intitule Pays perdu. Huit ans plus tard, l’auteur relata l’incident dans La première pierre, l’occasion pour lui de s’interroger sur la somme d’incompréhensions y ayant abouti. Quiconque se met à dos intellectuels parisiens et paysans cantalous avec une égale facilité présente en apparence un profil de sale bonhomme chimiquement pur. À moins que Jourde ne soit de l’étoffe raréfiée dont on fait les hommes intègres, plus sûrement coupables de maladresses que de compromissions. Autant se forger son propre avis sur la question.