130 livres

130 livres

Littérature, boxe anglaise et parfois les deux à la fois

Antoine Faure

Des chroniques de livres nouveaux ou anciens, essentiellement en littérature française ou américaine, et des émissions sur l'actualité et l'Histoire de la boxe anglaise. NB : les sujets sur la boxe sont regroupés en Saison 1, les sujets "Divers" en Saison 2. Textes disponibles sur www.130livres.com

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Macadam Butterfly, Tara Lennart

D’aucuns, d’aucunes seront toujours plus proches du stade terminal du désespoir lors d’une réunion de copropriété qu’en s’épluchant le coeur avec un économe. Tel est apparemment le cas de Tara Lennart, auteure d’un recueil de nouvelles intitulé Macadam Butterfly. Son premier, ce qui promet.

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Ce que cela coûte, WC Heinz

La boxe n’est certes pas le sport qui inspire le moins les écrivains, et deux écoles se partagent le gros de la littérature pugilistique : celle de la mythologie, attachée au drame, à la symbolique, au lyrisme, à la métaphore et à l’hyperbole, et celle du réalisme, qui mise sur la précision et le dépouillement du style pour rendre compte du noble art. Elles sont également dignes d’intérêt. Pour sublimer l’effet que produit la boxe sur le psychisme de ses spectateurs, entre catharsis et fascination pure, la première ne s’interdit aucun procédé narratif. Alors que la seconde se méfie d’un plaquage d’archétypes et d’intrigues éprouvés qui ne se vérifient qu’une fois sur mille ; elle considère le matériau brut digne d’intérêt en l’état, et cherche à en livrer sobrement toute la complexité. W.C. Heinz fut correspondant de guerre et journaliste sportif avant d’être romancier : on comprend que son premier livre, bien qu’oeuvre de fiction, appartînt à cette dernière catégorie...

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Le diable, tout le temps, Donald Ray Pollock

Donald Ray Pollock sait de quoi il parle. Avant de s’établir à Chilicothe, Ohio, pour y travailler à l’usine de papier jusqu’à l’âge de 50 ans, il naquit et grandit dans le village voisin de Knockemstiff. Traduit littéralement, le nom de la bourgade signifie « assomme-les », juste reflet des sensibilités prévalant sur les contreforts des Appalaches. Pollock vint à l’écriture sur le tard, et concentra son nouveau travail sur cette zone géographique, d’abord via des nouvelles et la couverture pour le New York Times des élections de 2008, puis dans le roman Le diable, tout le temps, publié en 2011 et bombardé chef d’oeuvre d’un nouveau genre en soi baptisé « hillbilly gothic » ou « gothique péquenot ».

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Un cri s'est éteint

Un homme est assis dans un canapé, écoutant son fils d’une vingtaine d’années s’épancher sur sa souffrance d’enfant de junkie. Le gamin finit par lâcher qu’il l’aime encore. L’homme en est bouleversé. Alors que son visage se tord en un masque d’émotion pure, il laisse échapper un grand cri, presque inhumain.

C’est la scène la plus emblématique de l’histoire d’Intervention, diffusée sur la chaîne A&E, docu série où des drogués sont mis en demeure par leurs proches d’accepter une thérapie. Intervention dure depuis 20 saisons, preuve d’un voyeurisme judéo-chrétien solidement ancré dans la psyché du grand public américain, avec une prédilection pour les récits de rédemption de semi-célébrités sur le retour. Avec Rocky Lockridge, il en eut pour son argent.

Entre un passé de champion du monde de boxe et un présent de SDF constamment défoncé à la gnôle et au crack, la vie tragique de l’homme de Tacoma était pain bénit pour les diffuseurs...

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Éden, Éden, Éden, Pierre Guyotat

C’est arrivé page 72 : j’ai abandonné. Ça ne me ressemble pas. En tant que lecteur, s’entend. La carte postale épinglée au-dessus de mon lit d’enfant l’attestait ; en latin, le prénom Antonius signifie « celui qui fait face », quant à ses porteurs, « grâce à leur persévérance, la réussite est avec eux ». Une fois décidés, des chiens de la casse, des vrais. Comptez sur eux pour finir leurs choux de Bruxelles bouillis s’ils le veulent vraiment.

Or, j’étais résolu à lire Éden, Éden, Éden, de Pierre Guyotat. Appâté en premier lieu par la révérence dont jouit toujours cet écrivain auprès de critiques dignes de foi. Mais aussi, naturellement, par la puissante flaveur à dominante soufrée qui fait la réputation de l’ouvrage, interdit dès sa publication en 1970, et jusqu’en 1981. On ne me la ferait pas, à moi : l’an passé, j’avais lu Lykaia – dont l’auteur mentionnait d’ailleurs Guyotat en interview pour expliquer l’intérêt de la littérature BDSM – sans rendre mon quatre heures, et je n’avais pas non plus molli des genoux, il y a vingt ans, à l’heure d’entamer Les cent vingt journées de Sodome. Plus que mon indécrottable conscience petite-bourgeoise, c’est l’ennui qui me l’avait fait tomber des mains.