C’est arrivé page 72 : j’ai abandonné. Ça ne me ressemble pas. En tant que lecteur, s’entend. La carte postale épinglée au-dessus de mon lit d’enfant l’attestait ; en latin, le prénom Antonius signifie « celui qui fait face », quant à ses porteurs, « grâce à leur persévérance, la réussite est avec eux ». Une fois décidés, des chiens de la casse, des vrais. Comptez sur eux pour finir leurs choux de Bruxelles bouillis s’ils le veulent vraiment.
Or, j’étais résolu à lire Éden, Éden, Éden, de Pierre Guyotat. Appâté en premier lieu par la révérence dont jouit toujours cet écrivain auprès de critiques dignes de foi. Mais aussi, naturellement, par la puissante flaveur à dominante soufrée qui fait la réputation de l’ouvrage, interdit dès sa publication en 1970, et jusqu’en 1981. On ne me la ferait pas, à moi : l’an passé, j’avais lu Lykaia – dont l’auteur mentionnait d’ailleurs Guyotat en interview pour expliquer l’intérêt de la littérature BDSM – sans rendre mon quatre heures, et je n’avais pas non plus molli des genoux, il y a vingt ans, à l’heure d’entamer Les cent vingt journées de Sodome. Plus que mon indécrottable conscience petite-bourgeoise, c’est l’ennui qui me l’avait fait tomber des mains.