Depuis leur création, l’Histoire des sports professionnels s’intrique avec celle des États-Unis, dont ils occupent une part considérable, voire déraisonnable, de la culture populaire. Et la boxe est peut-être celui qui reflète le plus fidèlement l’état de la société américaine à une époque donnée. Nat Fleischer, fondateur de Ring Magazine, situait précisément en 1933 le moment où la boxe toucha le fond. L’âge d’or pugilistique des Roaring twenties, celles de l’invention des retransmissions radiophoniques, des premiers combats à un million de dollars, et de la superstar Jack Dempsey, semble révolu depuis des lustres. La Grande Dépression n’a certes pas épargné la boxe : des recettes en berne, des salles qui se vident, une majorité de titres mondiaux non attribués, et le sacre d’un nouveau patron de la catégorie reine, le frustre géant Primo Carnera, aux fortes senteurs de corruption. Aux indécrottables pessimistes qui prétendent aujourd’hui que la boxe est morte, on recommandera vivement de s’intéresser à la période.
Le regain vient de New York, redevenue capitale du noble art après un exil vers la côte ouest, au gré d’une succession d’interdictions et rétablissements promulgués d’état en état. Dans la grande ville, on a faim comme partout ailleurs, et le glamour a déserté les gradins aux soirs des belles affiches. Mais le petit peuple des immigrés de fraîche date persiste à tirer honneur et fierté des exploits des champions issus de ses rangs. Alors que le marketing fait la part belle aux affrontements entre communautés, trois combattants incarnent l’élite des dernières catégories vraiment dignes d’intérêt, des légers aux welters : l’Italien Tony Canzoneri, le Juif-russe Barney Ross et l’Irlandais Jimmy McLarnin.