Puisque c’est ton second Hellfest, la question de savoir si tu as bien fait de venir, très prégnante l’an passé, n’est plus d’actualité. Tu sais désormais que ces trois jours du triptyque gros son – libations – régression assaisonneront douze mois de ton milieu de vie comme la ravigote enchante la tête de veau. D’ailleurs, cette fois, tu as pris les choses en main, histoire de ne plus être un putain de clandestin. Plus de viagogol à l’arrache, mais un pass acquis dans l’heure et demie suivant la mise en vente – 55 000 enragés en auront fait autant. Plus d’incruste dans une équipe déjà rodée, mais cinq autres salopards triés sur le volet, dont la plupart causaient déjà sidérurgie musicale avec toi en classe de seconde. Plus de première demi-journée carottée par les transports, mais une arrivée sur base la veille au soir. Autant dire que, cette fois, tu sais ce que tu fous là.
Non, le vrai débat, désormais, serait plutôt d’établir si tu es un touriste. Quelques précisions s’imposent ici. À lire sur la toile les comptes-rendus d’autres que toi, le touriste est unanimement fustigé, mais pullulerait chaque année un peu plus. Plutôt CSP+ que punk à chien, il viendrait surtout à Clisson en SUV Audi pour jouir de l’ambiance d’Oktoberfest vrombissante du festival – parfois même du haut des tribunes VIP honnies. Le bougre logerait ailleurs qu’au camping officiel, n’hésiterait pas à arborer des Tshirts blancs, bouderait l’essentiel des hurleurs satanistes à trognes et patronymes vikings, et s’enthousiasmerait pour les shows mollassons des vieilles gloires les plus inoffensives, soit la programmation des Mainstages passé 19 heures. Pire, par sa seule présence importune, chaque touriste priverait un authentique métalleux d’un séjour au Valhalla. ‘culés, va. Tu as beau ne plus être un bleubite, avoue qu’on pourrait hâtivement t’attribuer une ou deux – ou trois – caractéristiques de l’abject portrait-robot. L’angoisse t’étreint. Touriste, toi ? Tu as trois jours pour (te) prouver le contraire.