130 livres

130 livres

Littérature, boxe anglaise et parfois les deux à la fois

Antoine Faure

Des chroniques de livres nouveaux ou anciens, essentiellement en littérature française ou américaine, et des émissions sur l'actualité et l'Histoire de la boxe anglaise. NB : les sujets sur la boxe sont regroupés en Saison 1, les sujets "Divers" en Saison 2. Textes disponibles sur www.130livres.com

En cours de lecture

Pike, Benjamin Whitmer

En tant qu’auteur de littérature dite « générale », donc sérieuse comme tout, l’Irlandais Colm Tóibín a acquis une renomée internationale, à défaut d’avoir connu la consécration d’un papier sur 130 livres. En tant que lecteur, l’homme a des goûts bien arrêtés, comme en témoigne un récent pavé balancé en interview dans le marigot des belles lettres : « Je ne peux rien lire en littérature de genre, vraiment, aucun livre. Je suis juste ennuyé par l’écriture. Je n’y trouve pas de rythme. C’est vide, c’est rien du tout ; c’est comme regarder la télévision. »

On saluera en premier lieu le talent de l’écrivain Colm Tóibín, dont la remarquable économie de mots permet d’asséner un jugement définitif sur deux pans entiers de la culture populaire. « C’est abusé, gros » est-on néanmoins tenté de lui objecter, tant il semble excessif d’assimiler Breaking bad à Derrick, ou les bibliographies respectives de Gérard de Villiers et John Le Carré. Le noir fait figure de genre littéraire corseté entre tous, du fait de l’abondance et de l’ancienneté de ses codes : on imagine Tóibín lui réserver son pire dédain. Est-ce à dire qu’un gourmet devrait accorder un inintérêt identique à deux endives au jambon préparées selon la même recette immémoriale, l’une par un chef dépressif de restauration collective, et l’autre par Pierre Gagnaire ? Certes non. « Oui, mais j’aime pas les endives. » Allons, Colm. Un grand garçon comme toi.

En cours de lecture

Vademecum metallum / Partie 1 : la Grande-Bretagne

La science ayant fixé à 25 ans le seuil au-delà duquel n'évoluent plus guère les goûts musicaux, mes chances de convertir le lectorat du présent blog au heavy metal sont modérées à faibles. Mais me croire dissuadé d'une quelconque entreprise au seul prétexte qu'elle est sans espoir reviendrait à me connaître mal. Toujours en redescente du Hellfest, et à force de bâfrer ce qui fit l'essentiel du contenu de mes minicassettes d'antan, il m'apparaît plus urgent qu'à l'accoutumée d'expliquer pourquoi ce penchant peu consensuel, tels les abats ou l'oeuvre du tennisman Ivan Lendl, ne me quittera sans doute jamais. Qui sait, d'ailleurs, si la redécouverte d'un ou deux des titres qui suivent ne révèlera pas à eux-mêmes quelques Mesdames ou Messieurs Jourdain, amateurs d'un vieux riff ou d'une antique mélodie sans savoir qu'ils les doivent à un bon vieux groupe de hardos ?

Car il ne sera pas question ici de death metal, black metal ou metalcore, les rejetons les moins fréquentables de la grande famille du heavy metal, à écouter entre initiés au fond d'une crypte, d'une forêt lapone ou d'un complexe de traitement de déchets nucléaires. Promis, on trouvera sans peine dans la composition de ces fameuses pépites de bons gros morceaux du rock n'roll d'antan, certes amplifié, distordu ou accéléré à la diable. Être fan de ces groupes-là ne relevait pas - seulement - du voeu pieux de viriliser son image à peu de frais. C'était aussi, à supposer que l'on appréciât pour lui-même le son intense d'une corde tendue puis grattée sur un appareil électrique, kiffer une putain de musique jouissive et puissante à t'en faire valser les grelots. Loin, très loin de l'eau de vaisselle à peine trouble si prisée par les petits clous du Top 50.

Voici donc une sélection de 10 tubes et autant de groupes mythiques, plus une manière de bonus track. Que de la très bonne bonne came, garantie (presque) audible aux tympans délicats. Et que du live, parce que c'est mieux ainsi. De quoi expliquer simplement pourquoi eux, pourquoi moi - et peut-être vous.

En cours de lecture

Requiem pour un chou

Souvent, les boxeurs meurent trop tôt. Parce que la violence du ring les a usés, ou parce qu’elle a fini par faire partie d’eux. Le plus exigeant des sports fait de bien vilains vieux, quand il laisse à ses champions le soin de vieillir, tout court. Si ce n’est pas la boîte à fusibles qui déclare forfait, sur un coup ou après cent mille, c’est parfois une balle qui vient solder l’affaire. À l’occasion, la boxe ne se prive pas non plus d’une ironie macabre. Demandez à l’obscur journeyman Brad Rone, foudroyé par une attaque alors qu’il combattait pour payer les obsèques de sa mère. Ou bien à l’immense Pernell Whitaker, percuté avant-hier par une voiture à l’âge de 55 ans, lui que les meilleurs pugilistes des années 80 et 90 peinèrent à effleurer de leurs poings.

En cours de lecture

L'homme de Kiev, Bernard Malamud

Celles et ceux qui m’honorent d’un passage régulier sur ce blog savent que je n’ai pas honte des nombreuses lacunes de ma culture littéraire. Le contraire serait absolument vain. Or, jusqu’à l’été dernier, l’oeuvre de Franz Kafka en restait l’une des plus remarquables. Parmi les romans de chevet de ceux que je tenais pour d’authentiques lettrés, Le procès revenait avec régularité. J’ai donc fini par l’aborder, comme tout texte réputé incontournable et exigeant, avec la crainte de franchement passer à côté. Une appréhension confirmée pour partie une fois refermé le bouquin : j’avais l’impression d’en avoir à peine effleuré la profondeur infinie, et de n’avoir rien éprouvé d’autre qu’une admiration béate pour l’intelligence de son auteur au fil des pages. Peut-on prétendre avoir aimé un roman qui n’a pas suscité de réelle émotion en vous ? Faute d’une réponse idoine, j’optai pour une recette éprouvée, celle du refus d’obstacle : je n’ai donc pas écrit de billet sur ce livre-là.

Quelques mois plus tard, j’ai découvert l’existence d’un autre chef d’oeuvre du siècle dernier traitant de l’attente interminable d’un procès absurde : L’homme de Kiev, rare attributaire du prix Pulitzer et du National Book Award, de l’américain Bernard Malamud. Loin de la grâce parfois abstraite et désincarnée du Procès pour les lecteurs un rien terre-à-terre dont je suis, L’homme de Kiev suscite un malaise et un élan viscéraux, sans que l’ambition du propos de Malamud soit inférieure à celle de Kafka. Comme Jonathan Safran Foer l’exprime avec justesse dans sa préface, il ne se contente pas de pointer les dysfonctionnements d’un monde détraqué, mais exhorte littéralement à le réparer.