130 livres

130 livres

Littérature, boxe anglaise et parfois les deux à la fois

Antoine Faure

Des chroniques de livres nouveaux ou anciens, essentiellement en littérature française ou américaine, et des émissions sur l'actualité et l'Histoire de la boxe anglaise. NB : les sujets sur la boxe sont regroupés en Saison 1, les sujets "Divers" en Saison 2. Textes disponibles sur www.130livres.com

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Brave parmi les braves

Eddie Futch est né voici exactement 108 ans à Hillsboro, Mississippi. Il en avait 66 lorsque son poulain Joe Frazier affronta Muhammad Ali lors de l’ultime volet d’une trilogie qui devait sacrer un authentique géant. Le jour où il démontra que le plus grand de tous, c’était lui. Eddie Futch.

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Robicheaux, James Lee Burke

L’auteur texan James Lee Burke publia, en 1987, le premier tome des aventures narrées à la première personne d’un flic de Louisiane nommé Dave Robicheaux. Il avait alors la cinquantaine et n’imaginait sans doute pas que cet alter ego de fiction vieillirait avec lui pendant plus de trente ans. Vingt-et-unième épisode de la série, Robicheaux est sorti le mois dernier chez Rivages noir, et l’on sait déjà qu’il sera suivi de la prochaine traduction de The New Iberia Blues, déjà disponible en VO. Vraisemblance oblige, l’adjoint du shérif de la paroisse – équivalent local du comté – d’Iberia a cessé de vieillir depuis plusieurs tomes.

On le devine jeune septuagénaire, toujours capable de coller son poing sur un nez hostile et de participer à une fusillade sans y laisser un col du fémur. Qu’importe, au fond, si le temps s’est arrêté pour celui que ses rares amis surnomment « Belle mèche » : dans la Louisiane de Dave Robicheaux, vivants et morts coexistent aussi pacifiquement que possible, et le vieil homme a désormais la science et le discernement d’un esprit séculaire qui planerait sur le Bayou Teche. C’est ce que laisse imaginer le merveilleux incipit de Robicheaux. « Merveilleux » par son écriture, parce qu’il présente en deux pages un protagoniste au vécu considérable à ceux qui le découvriraient, et grâce au talent avec lequel Burke sait rappeler à ses fans de longue date pourquoi les monologues de son héros culte n’ont pas d’équivalent dans le roman policier, voire le roman tout court.

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L'imprudence, Loo Hui Phang

Échevelée, une femme jeune et belle me scrute depuis son lit, d’un regard intense, empreint de confiance. Je ne sais pas grand-chose de la photographie, mais il semble que ce cliché soit l’oeuvre d’un maître, dont l’accord pour en faire la couverture de L’imprudence serait un événement en soi. Ce que je peux en dire avec certitude est qu’il illustre le propos à la perfection : une exploration avide du monde et des êtres par la sensualité. Son auteure Loo Hui Phang a écrit plusieurs bandes dessinées et romans graphiques, mais il s’agit de son premier roman. 140 pages vite lues qui confirment le nez d’Actes Sud pour les talents encore jeunes dans l’exercice, au long desquelles la narratrice nous livre tout d’elle-même, hormis son nom.

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Pike, Benjamin Whitmer

En tant qu’auteur de littérature dite « générale », donc sérieuse comme tout, l’Irlandais Colm Tóibín a acquis une renomée internationale, à défaut d’avoir connu la consécration d’un papier sur 130 livres. En tant que lecteur, l’homme a des goûts bien arrêtés, comme en témoigne un récent pavé balancé en interview dans le marigot des belles lettres : « Je ne peux rien lire en littérature de genre, vraiment, aucun livre. Je suis juste ennuyé par l’écriture. Je n’y trouve pas de rythme. C’est vide, c’est rien du tout ; c’est comme regarder la télévision. »

On saluera en premier lieu le talent de l’écrivain Colm Tóibín, dont la remarquable économie de mots permet d’asséner un jugement définitif sur deux pans entiers de la culture populaire. « C’est abusé, gros » est-on néanmoins tenté de lui objecter, tant il semble excessif d’assimiler Breaking bad à Derrick, ou les bibliographies respectives de Gérard de Villiers et John Le Carré. Le noir fait figure de genre littéraire corseté entre tous, du fait de l’abondance et de l’ancienneté de ses codes : on imagine Tóibín lui réserver son pire dédain. Est-ce à dire qu’un gourmet devrait accorder un inintérêt identique à deux endives au jambon préparées selon la même recette immémoriale, l’une par un chef dépressif de restauration collective, et l’autre par Pierre Gagnaire ? Certes non. « Oui, mais j’aime pas les endives. » Allons, Colm. Un grand garçon comme toi.