A State of Freedom, titre original du troisième roman de Neel Mukherjee, suggère à la fois un pays dont les habitants sont libres, et un état des lieux de l’usage réel qu’ils font d’une telle liberté. Les protagonistes d’À l’état libre sont des êtres en mouvement, qu’ils partent chercher fortune, savoir et culture à l’étranger, ou quittent les campagnes dans l’espoir d’une vie décente pour eux et leur famille. La structure de ce roman choral, qui s’attarde tour à tour sur chacun d’entre eux et révèle peu à peu leurs connexions, suggère un corps social en effervescence, dont les composantes éminemment diverses – par leur religion, genre, caste, langue ou lieu de naissance – se télescopent sans cesse au gré de leurs migrations.

De quoi supposer que l’enjeu principal d’À l’état libre soit une tentative de définition de l’identité indienne, à une époque caractérisée par la mobilité, où l’individu serait de moins en moins défini par son terroir. Cette problématique est universelle ; dans le cas de l’Inde décrite par Neel Mukherjee, on observe – souvent avec effroi – des êtres réputés libres, mais oppressés conjointement par la pesanteur des traditions, les affres du déracinement et les mirages de la modernité.