130 livres

130 livres

Littérature, boxe anglaise et parfois les deux à la fois

Antoine Faure

Des chroniques de livres nouveaux ou anciens, essentiellement en littérature française ou américaine, et des émissions sur l'actualité et l'Histoire de la boxe anglaise. NB : les sujets sur la boxe sont regroupés en Saison 1, les sujets "Divers" en Saison 2. Textes disponibles sur www.130livres.com

En cours de lecture

Né d'aucune femme, Franck Bouysse

Les élèves qui clament avoir « tout loupé » avant chaque dix-huit sur vingt suscitent immanquablement l’ire de leurs condisciples. Le « peut mieux faire », lui, a coutume d’agacer ceux qui liront sa copie. Poussif jusqu’en fin de trimestre, le bougre a l’art de mettre le coup de collier qui convient pour réussir, à points comptés, son examen. S’il est impossible de lui refuser la moyenne, passé l’ultime paragraphe, c’est bien la frustration qui prédomine. Dès lors, l’inviter à faire mieux n’a rien de condescendant : l’appréciation suppose qu’on lui reconnaisse un talent certain. Une fois refermé Né d’aucune femme, dernier roman de Franck Bouysse largement salué dans la blogosphère littéraire, je n’ai pu m’empêcher de tâtonner à la recherche du feutre rouge que je ne possède pas.

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Ronce-Rose, Éric Chevillard

Sans doute est-il délicat de rencontrer un auteur au travers d’un pur exercice de style, miroir forcément déformant d’une langue et d’une voix. Ronce-Rose fut pourtant mon premier livre d’Éric Chevillard, auteur qui m’intriguait depuis ma découverte de la haute estime en laquelle le tient Pierre Jourde. Il fut récemment l’auteur d’une critique remarquée du Monde dans laquelle il régla son compte à un autre Éric, Neuhoff celui-là, récent lauréat du Fémina essais et pilier de l’édition cinéma du Masque et la Plume (« On ne sait ce qu’il faut préférer, du tâcheron qui donne poussivement son maximum ou du cynique qui torche ses cent cinquante pages d’une main en agitant mollement de l’autre l’éventail de billets de son à-valoir »). Passons...

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La frontière, Don Winslow

Einstein disait de la folie qu’elle consiste à refaire sans cesse les choses à l’identique, en escomptant chaque fois un résultat différent. Pour obstiné que soit Arturo dit « Art » Keller, ennemi juré des trafiquants de drogue mexicains, il est l’inverse d’un fou : joueur d’échecs patient, l’homme adapte sans cesse ses méthodes, sans en attendre de résultats décisifs pour autant. L’opinâtreté de Keller relève de l’inné ; son pessimisme, lui, est le fruit de quatre décennies passées à défier un adversaire invincible...

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La contrevie, de Philip Roth

À mesure qu’il découvre un auteur, le lecteur fidèle s’intéresse toujours plus à l’autoportrait qu’il recompose par bribes au fil de l’oeuvre romanesque. Le phénomène se vérifie d’autant plus aisément chez les aficionados de Philip Roth qu’ils disposent pour ce faire de la bagatelle de 26 romans, dont beaucoup mettent en scène de purs alter ego de l’écrivain. Le plus fameux est Nathan Zuckerman, romancier juif de Newark, New Jersey, qui partage avec Roth quantité d’obsessions et une causticité à la fois distante et rageuse, en plus de ses origine et profession. Il faut avoir lu quantité de bouquins du bonhomme pour s’apercevoir que La contrevie, qui met en scène le fameux Zuckerman, est sans doute l’un de ses plus personnels, si cette expression a un sens. Roth y utilise le truchement de son double fictionnel pour explorer un thème bien particulier : sa propre existence d’écrivain.

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La Rive gauche bouge encore un peu

On dit qu’il n’y a plus de Rive gauche, mais je rentre d’une soirée d’hommage à un écrivain où l’on s’est mis sur la gueule au sens propre. Avouons qu’en 2019, on fait moins rock n’roll.

Il faut dire qu’à 83 piges, celui qui se qualifia lui-même d’archange aux pieds fourchus n’en est pas exactement à sa première polémique. Il s’agit de l’ineffable Gabriel Matzneff, toujours splendide et rectiligne en blazer bleu marine, pochette écarlate et chevalière lustrée de frais, drainant dans l’absintherie de la rue du Cardinal Lemoine aux murs de pierre brute un aréopage hétéroclite de vieux et moins vieux, dont force messieurs solitaires et demoiselles en toilettes surannées. Ultime pied de nez à la modernité, celle qui s’assit face à moi était armée d’un appareil argentique.