Vieux couple, confinement et coronavirus.
Des chroniques de livres nouveaux ou anciens, essentiellement en littérature française ou américaine, et des émissions sur l'actualité et l'Histoire de la boxe anglaise. NB : les sujets sur la boxe sont regroupés en Saison 1, les sujets "Divers" en Saison 2. Textes disponibles sur www.130livres.com
Vieux couple, confinement et coronavirus.
Ce n’est pas que j’aie honte de considérer la tournée des bistrots, même solitaire, comme une fin en soi. On est vendredi soir, après tout. C’est plutôt que l’occasion est exceptionnelle : me voilà lâché dans Bruxelles. À Montélimar, j’aurais écumé les fabriques de nougat. Ici, ce seront les points d’eau où coule la bière. L’après-midi, sur des conseils avisés, j’ai découvert une librairie digne de ce nom, perdue au milieu des vendeurs de pralines dans le clinquant du Passage royal Saint-Hubert – faut voir les vitrines de Pâques prêtes un 21 février pour comprendre l’enjeu que c’est, en ces contrées.
Bref : la librairie s’appelle Tropismes, et on y trouve quantité d’auteurs locaux. Dont un, Eric Neyrinck, que je connais de Facebook. Un escogriffe barbu en milieu de vie qui s’épanche à longueur de posts sur ses velléités d’écriture. Je ne sais pas pour vous, mais moi, je ne juge pas. Son bouquin s’appelle J’ai un projet : devenir fou. 121 pages au format journal de bord. De quoi faire la soirée, quoi. Banco : le livre sera mon camarade de virée. Double shoot de belgitude. Vrai risque qu’il me pousse la houpette de Tintin.
C’est désormais chose faite : depuis ce week-end, les quatres titres mondiaux majeurs de la catégorie reine sont détenus par des sujets de Sa Majesté la Reine Elizabeth II. Le poids lourd anglais n’est pas toujours un excellent produit d’exportation, notamment aux États-Unis, comme le rappela Anthony Joshua un soir de juin dernier. Mais Tyson Fury pousse très loin les atypies. En témoigna son entrée grandguignolesque, en Gipsy king porté par des Amazones, qui ne fit sans doute pas l’unanimité au-delà de ses aficionados. La langue gourmande, aussi, qu’il sembla promener au 6eme round sur l’épaule ensanglantée de Deontay Wilder. Et que dire de sa rituelle interprétation a capella d’American Pie, une fois victorieux, après avoir rendu grâce à Jésus Christ et au vaincu du jour ? Au delà de ses rodomontades et pitreries coutumières, la plus saisissante des étrangetés du bonhomme réside peut-être dans cette formule toute simple : dans une catégorie de forces de la nature plus ou moins bien dégrossies, Tyson Fury est un boxeur. Un vrai. Et sa victoire, une grande nouvelle pour son sport...
Ne vous y trompez pas : ultime roman publié du vivant d’un auteur révéré, Monsieur Ouine est voué à une classification dans la noble littérature dite « générale » ou « blanche », mais il s’agit bien d’un livre d’épouvante. Ou, s’il faut être précis, une oeuvre à la noirceur parfaite au long de laquelle Georges Bernanos étire comme une pâte dense et gluante la substance même de sa peur la plus intime, celle d’un monde qui aurait renoncé à Dieu. Ce monde-là s’appelle Fenouille, commune rurale du nord de la France, guère encore atteinte par la modernité au lendemain de la Der des Ders. Fenouille, sa mairie, son château, son église, sa poignée de belles demeures et ses douzaines de masures anonymes, autant dire l’habitat naturel d’une normalité chimiquement pure. Sauf que rien, à Fenouille, ne fonctionne comme attendu.
Pour peu que l’on eût pu leur tendre un micro, gageons que seuls un nombre restreint de défunts auraient exprimé une franche satisfaction quant à la façon dont ils tirèrent leur révérence. Je peine, de mon côté, à croire aux fins rendues paisibles par l’atteinte d’un âge avancé et la certitude du destin accompli – au mieux, cette paix supposée traduit une résignation raisonnable, qu’on ripoline parfois en sagesse, conjuguée à la louable volonté de ménager ceux qui restent. Plus je réfléchis à la question, moins je me souhaite la fin de qui que ce soit. Même pas celle de Terry Jones. Surtout pas celle de Terry Jones, pourtant humoriste, scénariste, réalisateur, acteur, écrivain pour enfants, poète, historien, éditorialiste, amoureux et père comblé, parti mardi dernier à 77 ans.