130 livres

130 livres

Littérature, boxe anglaise et parfois les deux à la fois

Antoine Faure

Des chroniques de livres nouveaux ou anciens, essentiellement en littérature française ou américaine, et des émissions sur l'actualité et l'Histoire de la boxe anglaise. NB : les sujets sur la boxe sont regroupés en Saison 1, les sujets "Divers" en Saison 2. Textes disponibles sur www.130livres.com

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Wilder – Fury II : la boxe a le dernier mot

C’est désormais chose faite : depuis ce week-end, les quatres titres mondiaux majeurs de la catégorie reine sont détenus par des sujets de Sa Majesté la Reine Elizabeth II. Le poids lourd anglais n’est pas toujours un excellent produit d’exportation, notamment aux États-Unis, comme le rappela Anthony Joshua un soir de juin dernier. Mais Tyson Fury pousse très loin les atypies. En témoigna son entrée grandguignolesque, en Gipsy king porté par des Amazones, qui ne fit sans doute pas l’unanimité au-delà de ses aficionados. La langue gourmande, aussi, qu’il sembla promener au 6eme round sur l’épaule ensanglantée de Deontay Wilder. Et que dire de sa rituelle interprétation a capella d’American Pie, une fois victorieux, après avoir rendu grâce à Jésus Christ et au vaincu du jour ? Au delà de ses rodomontades et pitreries coutumières, la plus saisissante des étrangetés du bonhomme réside peut-être dans cette formule toute simple : dans une catégorie de forces de la nature plus ou moins bien dégrossies, Tyson Fury est un boxeur. Un vrai. Et sa victoire, une grande nouvelle pour son sport...

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Monsieur Ouine, Georges Bernanos

Ne vous y trompez pas : ultime roman publié du vivant d’un auteur révéré, Monsieur Ouine est voué à une classification dans la noble littérature dite « générale » ou « blanche », mais il s’agit bien d’un livre d’épouvante. Ou, s’il faut être précis, une oeuvre à la noirceur parfaite au long de laquelle Georges Bernanos étire comme une pâte dense et gluante la substance même de sa peur la plus intime, celle d’un monde qui aurait renoncé à Dieu. Ce monde-là s’appelle Fenouille, commune rurale du nord de la France, guère encore atteinte par la modernité au lendemain de la Der des Ders. Fenouille, sa mairie, son château, son église, sa poignée de belles demeures et ses douzaines de masures anonymes, autant dire l’habitat naturel d’une normalité chimiquement pure. Sauf que rien, à Fenouille, ne fonctionne comme attendu.

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With eggs on top : hommage à Terry Jones

Pour peu que l’on eût pu leur tendre un micro, gageons que seuls un nombre restreint de défunts auraient exprimé une franche satisfaction quant à la façon dont ils tirèrent leur révérence. Je peine, de mon côté, à croire aux fins rendues paisibles par l’atteinte d’un âge avancé et la certitude du destin accompli – au mieux, cette paix supposée traduit une résignation raisonnable, qu’on ripoline parfois en sagesse, conjuguée à la louable volonté de ménager ceux qui restent. Plus je réfléchis à la question, moins je me souhaite la fin de qui que ce soit. Même pas celle de Terry Jones. Surtout pas celle de Terry Jones, pourtant humoriste, scénariste, réalisateur, acteur, écrivain pour enfants, poète, historien, éditorialiste, amoureux et père comblé, parti mardi dernier à 77 ans.

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Invaincu, Mike Stanton

50 ans après sa mort, éparpillé parmi les débris d’un Cesna écrasé dans un champ de maïs de l’Iowa, on ne comprend la fascination toujours vive de l’Amérique pour Rocky Marciano qu’en resituant sa carrière dans l’Histoire de son pays. En ces temps pas si lointains, la boxe y était le sport le plus populaire après le baseball, et l’imposante stature du champion de sa catégorie reine, celle des poids lourds, écrasait la discipline aux yeux du grand public. Par la grâce du storytelling des médias et promoteurs, on projetait sur le personnage les fantasmes et passions de son époque. Avant Marciano, le brutal Jack Dempsey devint la superstar glamour qui seyait aux Années folles, puis Joe Louis symbolisa une Amérique tout entière unie dans l’effort de guerre. Après lui, Muhammad Ali incarnera la remise en cause des fondements mêmes de la société étasunienne. Champion des années 50, Rocky Marciano règne lui sur une ère de prospérité dont il représente la promesse : peu importent l’origine sociale et le talent inné, l’Amérique triomphante offre à chacun de ses enfants, s’il en a la volonté, une chance de devenir adulé et fortuné.

Dès son prologue, Invaincu campe avec efficacité le mythe qu’est devenu Rocky Marciano en évoquant ses obsèques en deux temps de septembre 1969 : la cérémonie publique tenue dans sa ville d’origine de Brockton (Massachusetts), puis l’inhumation, non loin de sa dernière résidence floridienne. L’auteur Mike Stanton, journaliste spécialisé dans l’investigation, met en regard le personnage public pleuré par des millions d’Américains nostalgiques d’un temps béni, et les nécessaires secrets et failles de Rocky Marciano, dont un lien étroit et complexe avec la mafia de ses débuts professionnels à la fin de sa vie. Comme Jonathan Eig avant lui dans Ali : une vie, Stanton a le grand mérite de creuser les zones d’ombre de son sujet sans y chercher le prétexte d’une négation brutale de ses moindres mérites. Les bonnes biographies révèlent des êtres complexes, et Invaincu n’y fait pas exception.

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Monologue motorisé

Nul n’est censé parler au machiniste, mais dès qu’il monte dans le bus, le gamin salue la dame au volant et s’installe debout à côté d’elle. Avec un didactisme vorace, il cause de tout, du cours d’Histoire Géo aux jeux vidéos vintage, reprenant son souffle plus vite qu’un nageur olympique. Elle acquiesce toujours, sourire aux lèves, et relance peu. Il n’en a pas besoin.