130 livres

130 livres

Littérature, boxe anglaise et parfois les deux à la fois

Antoine Faure

Des chroniques de livres nouveaux ou anciens, essentiellement en littérature française ou américaine, et des émissions sur l'actualité et l'Histoire de la boxe anglaise. NB : les sujets sur la boxe sont regroupés en Saison 1, les sujets "Divers" en Saison 2. Textes disponibles sur www.130livres.com

En cours de lecture

La classe et les vertus, Frédéric Roux

J’ai beau l’avoir découvert voici très peu de temps, Frédéric Roux m’inspire assez de sympathie pour arriver à ne même pas le jalouser. La faute à sa gentillesse, sans doute, de celles qui vous font chiader vos réponses aux questions d’un blogueur au lectorat étique. Pire, le fait qu’il ait signé LE livre que j’aurais voulu écrire ne m’inspire pas la moindre acrimonie. Pensez donc : un bouquin sur un combat de boxe qui m’obsède, écrit comme on fignole une dentelle au fuseau en écoutant des perles de Tamla Motown, et dont la quatrième de couverture atteste que même Augustin Trapenard en a dit du bien dans Elle – NB : qu’il dise du bien de quoi que ce soit ne relève pas tout à fait du scoop, mais qu’il ait lu ce texte-là, oui...

En cours de lecture

L'Esclave libre, Robert Penn Warren

L’année 2020 aura vu l’éditeur américain Walker books refuser la traduction d’Alma – Le vent se lève, du Français Timothée de Fombelle, au motif que ce dernier y aborde le thème de l’esclavage de sa propre perspective d’homme blanc, soit un flagrant délit d’appropriation culturelle insupportable aux yeux de certains. Qui pis est, en adoptant le point de vue doublement étranger d’une petite fille africaine. Considérant notre propension à intégrer toujours plus vite les nouveaux dogmes culturels venus d’Outre-Atlantique, gageons qu’une prochaine réédition française de L’Esclave libre, de Robert Penn Warren, reste passablement hypothétique. D’un profil comparable à celui de Fombelle, le triple prix Pulitzer y adopta en effet une démarche assez similaire, visant cette fois un public adulte. Le forfait date déjà de 1955, mais le propre de la cancel culture contemporaine est de réfuter l’idée même de prescription.

En cours de lecture

404, Sabri Louatah

404, ce fut l’archétype de la Peugeot robuste et bon marché, si prisée des immigrés de première et deuxième génération d’après la Décolonisation. Comme beaucoup, le père de Kader a fait durer la sienne plusieurs vies, jusqu’à pouvoir aider son fiston à déménager de Lyon au début des années 2000. À fuir, plutôt, chassé par une obscure rumeur de viol sur la personne d’une camarade de prépa. Au Lycée du Parc, il a croisé Allia, première en tout même en gym. Allia, la sculpturale Marianne au teint cuivré, parfaite incarnation de la méritocratie républicaine, déteste les injustices qui frappent ceux qui lui ressemblent et ira à Polytechnique sans que s’éteigne la colère en elle. Elle a soutenu Kader envers et contre tout, malgré son indéfectible assurance de petit con. Dans son ombre majestueuse, il y avait Ali, un de ces ternes camarades de classe dont on bute sur le nom cinq ans après, éperdument amoureux d’elle. Le roman est narré de son point de vue.

En cours de lecture

Entretien avec Frédéric Roux, auteur de Lève ton gauche ! et Comptés debout

Ceux qui ont lu le billet consacré au dyptique Lève ton gauche ! et Comptés debout, publié chez l’Arbre vengeur, se rappellent l’enthousiasme suscité ici par son auteur Frédéric Roux. Respecté par ceux qui savent, peu friand des spotlights, il fait partie des rares écrivains français à s’être colletés avec ambition, persévérence et compétence au Noble Art. Une inclinaison qui lui valut notamment de décrocher le Prix France Culture-Télérama 2013 pour Alias Ali, imposante compilation de témoignages et citations rééls ou fictionnels sur le Greatest. Son oeuvre dépasse de loin le cadre strict de la littérature pugilistique – d’ailleurs, la boxe constitue pour lui « un vecteur pour parler du reste » -, comme l’illustrent entre autres Le désir de guerre, démontage en règle de notre mémoire sélective de la (pas si) Grande Guerre, ou un Éloge du mauvais goût au titre savoureusement explicite.

En cours de lecture

La bouche pleine de terre, Branimir Šćepanović

Bouquin culte d'un auteur serbe, superbement édité en France par une maison pointue à souhait, qualifié de chef d'oeuvre par des blogueurs estimables entre tous et "livre préféré, tout court" de mon libraire : force est d'admettre que La bouche pleine de terre m'intimidait un chouïa. Un sentiment doublé d'une crainte, celle de louper le rendez-vous, faute d'avoir le profil requis. Car on décrit volontiers cette oeuvre comme une fable toute kafkaïenne, et mâtinée de poésie. Las ! J'admire Kafka, mais confesse qu'il me laisse tiède, et mon âme de poète aurait éclos depuis longtemps si le germe en existait. Au moins la lecture de ces 128 pages - en incluant un second texte, La mort de M.Golouja, et la postface - ne tournerait pas à l'épreuve d'endurance pour qui, comme moi, finit toute lecture aussi scrupuleusement que ses légumes. Au pire, je pourrais toujours en ricaner.

La bouche pleine de terre a donc le format d'une nouvelle, narrée d'un paragraphe à l'autre selon deux points de vue bien distincts. Le premier, en italique et livré à la troisième personne, est celui d'un homme en errance dont on ne connaîtra pas le nom. Accablé par la nouvelle de sa maladie incurable, il a quitté la ville en train, puis fui l'intolérable promiscuité de son wagon en descendant au milieu de nulle part, dans un paysage arboré et montagneux. Son intention, apprend-on très tôt, consiste à se donner la mort. Cherchant l'endroit propice, il court au hasard.