Bouquin culte d'un auteur serbe, superbement édité en France par une maison pointue à souhait, qualifié de chef d'oeuvre par des blogueurs estimables entre tous et "livre préféré, tout court" de mon libraire : force est d'admettre que La bouche pleine de terre m'intimidait un chouïa. Un sentiment doublé d'une crainte, celle de louper le rendez-vous, faute d'avoir le profil requis. Car on décrit volontiers cette oeuvre comme une fable toute kafkaïenne, et mâtinée de poésie. Las ! J'admire Kafka, mais confesse qu'il me laisse tiède, et mon âme de poète aurait éclos depuis longtemps si le germe en existait. Au moins la lecture de ces 128 pages - en incluant un second texte, La mort de M.Golouja, et la postface - ne tournerait pas à l'épreuve d'endurance pour qui, comme moi, finit toute lecture aussi scrupuleusement que ses légumes. Au pire, je pourrais toujours en ricaner.
La bouche pleine de terre a donc le format d'une nouvelle, narrée d'un paragraphe à l'autre selon deux points de vue bien distincts. Le premier, en italique et livré à la troisième personne, est celui d'un homme en errance dont on ne connaîtra pas le nom. Accablé par la nouvelle de sa maladie incurable, il a quitté la ville en train, puis fui l'intolérable promiscuité de son wagon en descendant au milieu de nulle part, dans un paysage arboré et montagneux. Son intention, apprend-on très tôt, consiste à se donner la mort. Cherchant l'endroit propice, il court au hasard.