130 livres

130 livres

Littérature, boxe anglaise et parfois les deux à la fois

Antoine Faure

Des chroniques de livres nouveaux ou anciens, essentiellement en littérature française ou américaine, et des émissions sur l'actualité et l'Histoire de la boxe anglaise. NB : les sujets sur la boxe sont regroupés en Saison 1, les sujets "Divers" en Saison 2. Textes disponibles sur www.130livres.com

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Le temps où nous chantions, Richard Powers

La culture américaine de la démesure ne concerne pas seulement les voitures, les immeubles et les gobelets de boissons sucrées. Résoudre les grands problèmes du monde contemporain à coups de parpaings fictionnels de 1000 pages et plus est aussi une spécialité locale. De quoi effrayer les lecteurs à l’appétit d’oiseau, mais aussi ceux qui fuient les pensums où le roman n’est que prétexte au martelage d’un message politique pas toujours très subtil. C’est parce que j’ai lu et aimé L’arbre monde de Richard Powers que j’ai osé m’aventurer dans Le temps où nous chantions, du même auteur. Le premier, récompensé par le Prix Pulitzer 2019, traitait la question légere entre toutes de la catastrophe écologique en cours, tandis que le second abordait en 2003 le sujet tout aussi frivole de la race aux États-Unis. Il y a moins glissant...

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30 ans après : Seattle 89, de Metallica

Avant la généralisation des concerts filmés et retransmis en direct sur grand écran pour que ceux du fond puissent suivre, l’enregistrement de la musique live avait beaucoup à voir avec l’ornithologie : on installait son matériel de prise de vue en espérant que se produisît un alignement d’étoiles très incertain. Le bon set était facile à capter pour peu que l’on suive un groupe correct, mais un film de concert parfait avait tout du cliché saisissant le Martin-pêcheur dans la microseconde où il chopait le têtard. Pour Metallica – voire pour le metal en général -, le moment de grâce, au Center Coliseum de Seattle, s’étira entre les 29 et 30 août 1989.

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Un endroit où aller, Robert Penn Warren

Question pour ceux qui suivent : un roman sur la vie d’un universitaire américain, enseignant la littérature, irrémédiablement seul de ses premiers pas au crépuscule de sa vie, insatisfait par essence et porté sur le sexe et divers questionnements intimes sur l’existence, un roman chroniqué sur ce blog, qui plus est, est forcément de… Perdu, son auteur n’est pas Philip Roth, mais Robert Penn Warren, dont je vous accorde volontiers qu’il fait l’objet d’une autre de mes fixations de lecteur entre-deux-âges.

Si l’on substitue la pesanteur de l’appartenance au Sud profond à celle de la judaité et que l’on ajoute un bon trait de lyrisme et d’intérêt pour la nature, plusieurs oeuvres éminemment rothiennes ressemblent fort à Un endroit où aller, dernier roman de Robert Penn Warren, écrit à l’âge de soixante-douze ans. Il s’agit des mémoires narrées à la première personne de Jed Tewksbury, dont le titre indique opportunément qu’il fut toute sa vie un déraciné.

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Le Manufacturier, Mattias Köping

Nous sommes en Gaule, en 2019, et une maison d’édition, récente de surcroît, semble résister à la morosité du marché du livre. Baptisée Ring, elle se concentre sur des thèmes d’actualité à forts relents de scandale, dans une veine volontiers critique de la démocratie libérale moderne que ne renierait pas un Michel Houellebecq sous Captagon – la comparaison n’est pas fortuite, puisque son ancien éditeur Raphaël Sorin en est le directeur littéraire. Bien des essais, fictions et bandes dessinées estampillés Ring, même couronnés de succès, sont régulièrement boycottés en librairies, certains de ses auteurs se virent déprogrammés ou agressés en festivals, et ses locaux parisiens furent vandalisés à deux reprises.

Contournant les médias traditionnels, la maison a investi dans une promotion atypique, très présente sur les réseaux sociaux et diffusant des bandes-annonces filmées de ses titres phares. À ceux qui taxent Ring d’être « néo-réac », son fondateur rétorque qu’il édite Zineb El Rhazoui, Jimmy Page et Julian Assange aussi bien que Marsault et Laurent Obertone, et se borne à « rendre compte de la réalité brutale d’une société en extrême mutation ». Admettons.

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Entretien avec Mattias Köping, auteur du Manufaturier

130 livres : Mattias Köping, Le Manufacturier est votre second roman. Pouvez-vous en dire plus sur ce qui vous a amené à l’écriture ? Avez-vous eu une ou plusieurs vies liées à la réalité que vous dépeignez – police, justice, médias, etc. ?

Mattias Köping : Je ne suis pas auteur à plein temps, et je ne compte pas le devenir. C’est une carrière très angoissante que je n’envie pas aux intéressés, même si j’apprécie certains aspects de la vie d’écrivain, notamment les échanges avec les lecteurs. Ma vie et mon métier sont tranquilles, et très éloignés de ce que je décris dans mes romans. Pour moi, l’écriture est une sorte de démangeaison ponctuelle plutôt qu’un plaisir ou un besoin viscéral – je peux passer des semaines ou des mois sans écrire. La recherche m’intéresse tout autant, et j’y consacre beaucoup de temps. J’ai écrit deux ou trois romans il y a bien longtemps, des polars, que j’ai bazardés. Et puis je m’y suis remis treize ans plus tard, avec Les démoniaques. Je ne comptais même pas l’envoyer à un éditeur, c’est mon épouse qui m’en a convaincu, pour éviter des regrets éternels ! Je ne connaissais pas Ring, mais un minimum d’informations m’a convaincu que le ton du roman était celui qu’ils recherchaient. Et ils ont pris le texte...