130 livres

130 livres

Littérature, boxe anglaise et parfois les deux à la fois

Antoine Faure

Des chroniques de livres nouveaux ou anciens, essentiellement en littérature française ou américaine, et des émissions sur l'actualité et l'Histoire de la boxe anglaise. NB : les sujets sur la boxe sont regroupés en Saison 1, les sujets "Divers" en Saison 2. Textes disponibles sur www.130livres.com

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Vademecum metallum / Partie 1 : la Grande-Bretagne

La science ayant fixé à 25 ans le seuil au-delà duquel n'évoluent plus guère les goûts musicaux, mes chances de convertir le lectorat du présent blog au heavy metal sont modérées à faibles. Mais me croire dissuadé d'une quelconque entreprise au seul prétexte qu'elle est sans espoir reviendrait à me connaître mal. Toujours en redescente du Hellfest, et à force de bâfrer ce qui fit l'essentiel du contenu de mes minicassettes d'antan, il m'apparaît plus urgent qu'à l'accoutumée d'expliquer pourquoi ce penchant peu consensuel, tels les abats ou l'oeuvre du tennisman Ivan Lendl, ne me quittera sans doute jamais. Qui sait, d'ailleurs, si la redécouverte d'un ou deux des titres qui suivent ne révèlera pas à eux-mêmes quelques Mesdames ou Messieurs Jourdain, amateurs d'un vieux riff ou d'une antique mélodie sans savoir qu'ils les doivent à un bon vieux groupe de hardos ?

Car il ne sera pas question ici de death metal, black metal ou metalcore, les rejetons les moins fréquentables de la grande famille du heavy metal, à écouter entre initiés au fond d'une crypte, d'une forêt lapone ou d'un complexe de traitement de déchets nucléaires. Promis, on trouvera sans peine dans la composition de ces fameuses pépites de bons gros morceaux du rock n'roll d'antan, certes amplifié, distordu ou accéléré à la diable. Être fan de ces groupes-là ne relevait pas - seulement - du voeu pieux de viriliser son image à peu de frais. C'était aussi, à supposer que l'on appréciât pour lui-même le son intense d'une corde tendue puis grattée sur un appareil électrique, kiffer une putain de musique jouissive et puissante à t'en faire valser les grelots. Loin, très loin de l'eau de vaisselle à peine trouble si prisée par les petits clous du Top 50.

Voici donc une sélection de 10 tubes et autant de groupes mythiques, plus une manière de bonus track. Que de la très bonne bonne came, garantie (presque) audible aux tympans délicats. Et que du live, parce que c'est mieux ainsi. De quoi expliquer simplement pourquoi eux, pourquoi moi - et peut-être vous.

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Requiem pour un chou

Souvent, les boxeurs meurent trop tôt. Parce que la violence du ring les a usés, ou parce qu’elle a fini par faire partie d’eux. Le plus exigeant des sports fait de bien vilains vieux, quand il laisse à ses champions le soin de vieillir, tout court. Si ce n’est pas la boîte à fusibles qui déclare forfait, sur un coup ou après cent mille, c’est parfois une balle qui vient solder l’affaire. À l’occasion, la boxe ne se prive pas non plus d’une ironie macabre. Demandez à l’obscur journeyman Brad Rone, foudroyé par une attaque alors qu’il combattait pour payer les obsèques de sa mère. Ou bien à l’immense Pernell Whitaker, percuté avant-hier par une voiture à l’âge de 55 ans, lui que les meilleurs pugilistes des années 80 et 90 peinèrent à effleurer de leurs poings.

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L'homme de Kiev, Bernard Malamud

Celles et ceux qui m’honorent d’un passage régulier sur ce blog savent que je n’ai pas honte des nombreuses lacunes de ma culture littéraire. Le contraire serait absolument vain. Or, jusqu’à l’été dernier, l’oeuvre de Franz Kafka en restait l’une des plus remarquables. Parmi les romans de chevet de ceux que je tenais pour d’authentiques lettrés, Le procès revenait avec régularité. J’ai donc fini par l’aborder, comme tout texte réputé incontournable et exigeant, avec la crainte de franchement passer à côté. Une appréhension confirmée pour partie une fois refermé le bouquin : j’avais l’impression d’en avoir à peine effleuré la profondeur infinie, et de n’avoir rien éprouvé d’autre qu’une admiration béate pour l’intelligence de son auteur au fil des pages. Peut-on prétendre avoir aimé un roman qui n’a pas suscité de réelle émotion en vous ? Faute d’une réponse idoine, j’optai pour une recette éprouvée, celle du refus d’obstacle : je n’ai donc pas écrit de billet sur ce livre-là.

Quelques mois plus tard, j’ai découvert l’existence d’un autre chef d’oeuvre du siècle dernier traitant de l’attente interminable d’un procès absurde : L’homme de Kiev, rare attributaire du prix Pulitzer et du National Book Award, de l’américain Bernard Malamud. Loin de la grâce parfois abstraite et désincarnée du Procès pour les lecteurs un rien terre-à-terre dont je suis, L’homme de Kiev suscite un malaise et un élan viscéraux, sans que l’ambition du propos de Malamud soit inférieure à celle de Kafka. Comme Jonathan Safran Foer l’exprime avec justesse dans sa préface, il ne se contente pas de pointer les dysfonctionnements d’un monde détraqué, mais exhorte littéralement à le réparer.

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Hellfest 2019 : Retour vers l’enfer (partie 3)

Dimanche matin, le camping que tu traverses en début d’après-midi pour accéder à Hell City est empreint d’une douce torpeur. La fatigue est palpable, les demarches ont raidi et quelques pattes traînent dans la poussière ambiante. Aux douches, la file d’attente s’allonge. Tout le monde n’est pas pressé de rempiler. Tu éviteras de les juger : eux n’ont pas pioncé dans un gîte, mais entendu diverses modulations du cri « APÉROOO » jusqu’à 6 du mat’, suivies par un choeur déchaîné de « Respectez les gens qui dorment ! » pour peu qu’un malheureux ait réclamé le silence. Le camping n’est certes pas une truc de touristes. Las, ton équilibre nerveux, ton bas du dos en balsa et l’accès facilité à des sanitaires te sont désormais trop précieux pour tenter l’expérience à l’âge que tu traînes. Et les plus hagards des visages croisés ne suscitent guère ta jalousie.

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Hellfest 2019, retour vers l'enfer - Partie 2

Le lendemain, tes potes et toi quittez votre gîte un poil plus tard : aucun de vos incontournables n’est programmé d’entrée. Lassé par le harcèlement potache de ta bande, l’ami Pantacourt a passé un kilt, comme une part non négligeable des festivaliers. Un calcul qui comporte sa propre part de risque. Ce matin du deuxième jour est un moment particulier. L’excitation du brutal changement d’environnement qui dure, les quelques courbatures te rappellant les bonheurs de la veille, la joie enfantine d’avoir encore les deux tiers du festival devant toi. En arpentant la départementale, de la bagnole jusqu’aux portes de l’enfer, tu dissertes avec tes copains sur la portée symbolique de cette marche. Tandis que le gros son enfle au loin, la meute des pélerins du métal se fait plus dense, et les premiers signes de la noce apparaissent peu à peu, voiture mal garée couverte de canettes vides, premiers accoutrements délirants, ou apéros sur des tables de camping dépliées devant les Quechuas. Ce parcours est une transition vers un toi ancien, éminemment aimable et dépourvu d’embrouilles de lombaires, de tribu ou de turbin. Un toi essentiel pour qui watts pesants, Kro fraîche, blagues atterrantes et nichons devinables constituent la quintessence de la félicité terrestre.