En tant qu’auteur de littérature dite « générale », donc sérieuse comme tout, l’Irlandais Colm Tóibín a acquis une renomée internationale, à défaut d’avoir connu la consécration d’un papier sur 130 livres. En tant que lecteur, l’homme a des goûts bien arrêtés, comme en témoigne un récent pavé balancé en interview dans le marigot des belles lettres : « Je ne peux rien lire en littérature de genre, vraiment, aucun livre. Je suis juste ennuyé par l’écriture. Je n’y trouve pas de rythme. C’est vide, c’est rien du tout ; c’est comme regarder la télévision. »
On saluera en premier lieu le talent de l’écrivain Colm Tóibín, dont la remarquable économie de mots permet d’asséner un jugement définitif sur deux pans entiers de la culture populaire. « C’est abusé, gros » est-on néanmoins tenté de lui objecter, tant il semble excessif d’assimiler Breaking bad à Derrick, ou les bibliographies respectives de Gérard de Villiers et John Le Carré. Le noir fait figure de genre littéraire corseté entre tous, du fait de l’abondance et de l’ancienneté de ses codes : on imagine Tóibín lui réserver son pire dédain. Est-ce à dire qu’un gourmet devrait accorder un inintérêt identique à deux endives au jambon préparées selon la même recette immémoriale, l’une par un chef dépressif de restauration collective, et l’autre par Pierre Gagnaire ? Certes non. « Oui, mais j’aime pas les endives. » Allons, Colm. Un grand garçon comme toi.