130 livres

130 livres

Littérature, boxe anglaise et parfois les deux à la fois

Antoine Faure

Des chroniques de livres nouveaux ou anciens, essentiellement en littérature française ou américaine, et des émissions sur l'actualité et l'Histoire de la boxe anglaise. NB : les sujets sur la boxe sont regroupés en Saison 1, les sujets "Divers" en Saison 2. Textes disponibles sur www.130livres.com

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Château Rouge, Junichi Watanabe

Depuis Manchette, on sait que la bonne littérature dite de genre doit savoir s’appuyer sur les codes attendus pour formuler un commentaire social qui percute et surprend. J’ai beau reconnaître sans peine une inculture abyssale en matière d’écrits érotiques – que seule excède ma méconnaissance du roman japonais – il semble toutefois en aller ainsi dans ce sous-ensemble précis. La difficulté de trousser assez adroitement une scène de sexe d’un paragraphe dans une histoire réputée conventionnelle en évitant que son lecteur ne glousse ou lève les yeux au ciel s’avère déjà assez élevée en soi. De fait, trois cent vingt sept pages de cul stricto sensu, au-delà du risque de redite, auraient peu de chances de se suffire à elles-mêmes pour garantir que le public demeure tout à fait captivé. Château Rouge, de Junichi Watanabe, est un roman culte japonais du début des années 2000. S’il s’inspire de la formule bien connue des amateurs de pornographie – éculée, si j’osais – de l’initiation au plaisir d’une femme mariée, ce livre dit bien plus de la bonne société locale que des mille et une façons d’accomoder le papayou-lélé au pays du soleil levant.

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Ohio, Stephen Markley

New Canaan, quinze mille âmes, trou d’Amérique moyenne à la fois rurale et industrielle coincé au Nord-Est de l’Ohio où l’on cause avec l’accent des Appalaches. Ce 13 octobre 2007, la communauté enterre Rick Brinklan, ex-footballeur star du lycée local, flingué au bout du monde dans une guerre de Bush Jr. en laquelle il croyait. Il était l’un des fils les plus aimés de New Canaan, aussi le célèbre-t-on avec toute la pompe dont la ville demeure capable : sa dépouille remonte la rue principale sur le plateau d’un pickup Dodge, enfermée dans un cercueil prêté par le Wallmart local ; l’hypermarché s’avère d’ailleurs l’unique bâtiment récent et majestueux des environs.

À l’issue de ce prologue, les lecteurs de Leurs enfants après eux se sentiront en terrain connu. Stephen Markley sonde lui aussi l’âme d’un patelin imaginaire pour lequel le terme « déclassement » semble avoir été inventé.

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Entretien avec Colum McCann, auteur d'Apeirogon

L’histoire débute par une commande, celle d’un papier d’une page sur Apeirogon, de Colum McCann, pour le numéro de décembre-janvier de Lire Magazine Littéraire consacré aux 100 livres de l’année 2020. L’article doit dresser le portrait de l’auteur au travers de ce dernier texte, et comporter des « propos rapportés ». Aussi me creusé-je la tête pour trouver la poignée de questions qui lui inspireraient mieux qu’un soupir de lassitude. J’avais sous-estimé cette vérité pas si incongrue : les écrivains aiment écrire. Et Colum McCann, comme ce qui suit le confirme, attache une importance particulière au lectorat hexagonal. Aussi m’honore-t-il de réponses érudites, longues et profondes… dont je suis condamné à ne conserver que des bribes dans ma prose. Imaginez ma frustration.

J’encourage ceux qui souhaiteront en savoir plus sur l’homme derrière Apeirogon à lire l’article en question – et le reste du magazine avec, il en vaut la peine. Reste que, par les grâces conjointes de la direction de la rédaction et des éditions Belfond, me voici autorisé à diffuser la tradution intégrale des réponses de Colum McCann. Qu’ils en soient remerciés ainsi que l’auteur, récompensé depuis par un Prix 2020 du Meilleur Livre Étranger amplement mérité...

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Le boxeur, Jim Tully

Trop souvent, la pédagogie s’avère l’ennemie de la bonne littérature. À truffer son récit de cas d’écoles, archétypes et références obligées, on risque une balourdise extrême, et une intrigue sacrifiée au gré de tours et détours forcés. L’écrivain de talent, lui, vous apprendra quantité de choses sans oublier l’histoire qu’il veut vous raconter ; c’est à son service qu’il saura mettre l’abondant matériau qu’il brûle de partager. Ancien boxeur de bon niveau, Jim Tully est de ceux-là. Élémentaire, le titre du roman dit tout de son ambition : raconter la trajectoire d’un pugiliste lors du premier âge d’or de la boxe, celui des années 20 ou Roaring Twenties. Une ère où la bourgeoisie WASP des États-Unis, euphorisée par la croissance frénétique de l’Après-guerre, s’encanailla au bord des rings, innondant un sport aux moeurs interlopes, prisé des immigrés pauvres, de billets verts et d’une attention médiatique à l’avenant. De quoi promettre un destin inespéré à tout hobo – ou vagabond – qui saurait quoi faire de ses poings… et échapperait à pas mal d’embûches.

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Hemlock, Gabrielle Wittkop

Au huitième jour, afin que les écrivains français puissent affronter leurs pires angoisses et y trouver matière à publier des livres, Dieu créa l’autofiction. Jouissant d’une place de choix sur les tables de nos librairies, elle est l’aboutissement d’un processus créatif d’ambition variable, qui lui vaut souvent les ricanements des moins indulgents de nos critiques littéraires – sans que son succès public en soit forcément affecté pour autant. Est-ce à dire que, revenant par essence à de mornes tours de nombril à peine mis en scène, l’autofiction commencerait là où disparaît le souffle romanesque ? Gardons-nous d’un jugement aussi définitif, tant le traitement littéraire de certains épisodes traumatiques peut relever du chef d’oeuvre, pour peu que l’on ait affaire à d’authentiques alchimistes de l’écriture. Ainsi, Gabrielle Wittkop.