130 livres

130 livres

Littérature, boxe anglaise et parfois les deux à la fois

Antoine Faure

Des chroniques de livres nouveaux ou anciens, essentiellement en littérature française ou américaine, et des émissions sur l'actualité et l'Histoire de la boxe anglaise. NB : les sujets sur la boxe sont regroupés en Saison 1, les sujets "Divers" en Saison 2. Textes disponibles sur www.130livres.com

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Ransom, Jay McInerney

J’ai beau me revendiquer fan de longue date de Jay McInerney, je dois à mon récent passage chez un bouquiniste d’avoir découvert Ransom, son roman daté de 1985 dont je n’avais aucune idée de l’existence. Une telle omission la fout d’autant plus mal que l’auteur n’est pas le plus prolifique de sa génération. Pour la sortie française de son dernier livre Les jours enfuis, j’avais pourtant poussé le bouchon, lors des questions-réponses d’une conférence parisienne, jusqu’à bien laisser entendre à l’intéressé comme à l’assistance que j’avais déjà lu ledit bouquin en version originale. Au moment de signer mes exemplaires français et américain de ce « Bright, precious days« , McInerney, splendide sexagénaire au brushing aussi impeccable que le costume assorti à ses yeux bleu cobalt, s’était fendu d’un très étasunien « That was a good analysis » pour saluer mes trois commentaires en broken English. Sans doute eût-il à peine froncé un sourcil élégant s’il avait connu mes limites comme exégète certifié...

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Pour en finir avec Paul vs Askren

Le 17 avril 2021 restera à jamais, pour l’amateur de boxe, la date d’une soirée de cauchemar. Sous l’audacieux slogan « We’re bringing boxing back », la plateforme d’échanges de vidéos Triller organisait à Atlanta un événement hybride, sorte de réunion de boxe entrecoupée de sets musicaux et séquences de stand-up bien d’aujourd’hui. Qu’ils commentent les combats ou présentent les festivités, les célébrités au micro juraient comme des charretiers et ricanaient tel l’innocent du village, ne songeant pas une seconde à dissimuler ébriété profonde ou fracassage à la marijuana, le tout à la grande joie du public présent. Sur le ring, symboliquement positionné en retrait de la scène, on vit se succéder d’étranges confrontations. Le pugiliste retraité Steve Cunningham défit aux points un mastodonte quadragénaire spécialiste du combat libre, Frank Mir, dont c’était le premier combat en boxe anglaise. Regis Prograis, un authentique boxeur de haut niveau, battit le second couteau Ivan Redkach sur une étrange décision technique, plus tard requalifiée en vrai KO. Enfin, clou du spectacle, le Youtubeur Jake Paul vainquit en moins d’un round l’ancien combattant de l’UFC Ben Askren.

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Les héritages, Gabrielle Wittkop

Nous sommes en 1895 et un proviseur, Célestin Mercier, s’endette copieusement pour qu’on lui construise une vaste demeure néoclassique avec vue sur la Marne. L’entrepreneur s’avère un margoulin, qui le plume avant de fuir pour le Brésil. Le couple Mercier dispose d’à peine le temps de baptiser la maison « Séléné » que Célestin, ruiné, se pend dans son attique. Un spéculateur la rachète aux enchères. Il la loue à Félix Méry-Chandeau, un riche homme d’affaires âgé et désireux de se retirer de la vie parisienne ; ses uniques passions sont les livres et la roulette russe. La conscience du bonhomme est lestée d’un meurtre, celui de son oncle frappadingue, qui lui valut d’hériter de sa fortune. Méry-Chandeau ne finit pas emporté par son hobby le plus dangereux mais par son empoisonneuse de gouvernante, pour de sombres motifs connus d’elle seule… Jusqu’en 1995, Les héritages narrera la vie des nombreux humains de passage entre les murs de Séléné.

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Fortitude, Gojira

Le rock français a ceci de commun avec la cuisine anglaise et l’humour allemand qu’il n’est pas de ces traditions qui auront grandi leur pays aux yeux du monde. On simplifie, bien sûr ; disons plus prosaïquement qu’il fonctionne moins bien à l’export que les crus classés du Médoc ou les avions de combat. L’adage s’est longtemps vérifié dans le sous-ensemble particulier du rock extrême, à l’exception récente et remarquable du groupe Gojira. Non pas que le sympathique quatuor occitan à la conscience écologique aussi pointue que son death métal technique eût suscité autant de raz-de-marée planétaires à la sortie de ses six premiers albums, mais enfin Gojira avait creusé un sillon musical bien particulier et acquis une vraie reconnaissance dans le petit monde des hardos...

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Au-dessous du volcan, Malcolm Lowry

Entreprendre de chroniquer un classique présente le risque de trop vouloir s’en montrer à la hauteur, voire de s’y mesurer. Pas sur le plan de l’écriture – il faudrait être sacrément benêt -, mais dans sa propre compréhension de l’oeuvre. On s’efforcerait ainsi de cocher toutes les bonnes cases pour montrer qu’on aurait parfaitement cerné le bazar, collecté tous les indices semés par l’auteur et élucidé le moindre des mystères soumis à notre sagacité. L’affaire est doublement impossible lorsque l’on s’attèle à la recension d’Au-dessous du volcan, en dépit de l’effort de pédagogie excentrique consenti par l’écrivain dans sa préface. Cette dernière constitue en soi un morceau d’écriture bien particulier : Malcolm Lowry y livre quelques clés de compréhension du texte sous forme de réponse à l’un des éditeurs ayant exigé d’amples corrections avant de le publier. Dieu sait s’il reçut en nombre des requêtes approchantes.

Une authentique histoire d’ivrogne

Malgré de tels éclaircissements, comme l’importance du nombre « 12 » dans la construction du roman – il renvoie à rien de moins que la Kabbale -, il reste vain de prétendre démêler dans son intégralité l’entrelacs complexe des métaphores et signes divers qui abondent au fil des… douze chapitres. La matière dense d’Au-dessous du volcan est d’autant plus difficile à pénétrer qu’elle est indissociable de son sujet, très ancré dans l’art de son auteur et sa vie en général : « écrire enfin une authentique histoire d’ivrogne », comme il l’affirme en introduction. En tant que lecteur, on peut s’émerveiller de la réussite de son projet. Jamais l’ivresse ne fut mieux décrite du point de vue du pochard. Mais le sens profond du propos de Lowry et de l’errance de son protagoniste, lui, échappera au moins en partie à quiconque n’aura pas vécu leur exacte expérience… même ceux qui croient bien connaître la compagnie de la gnôle, dont je suis.