130 livres

130 livres

Littérature, boxe anglaise et parfois les deux à la fois

Antoine Faure

Des chroniques de livres nouveaux ou anciens, essentiellement en littérature française ou américaine, et des émissions sur l'actualité et l'Histoire de la boxe anglaise. NB : les sujets sur la boxe sont regroupés en Saison 1, les sujets "Divers" en Saison 2. Textes disponibles sur www.130livres.com

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Trois cartouches pour la Saint-Innocent, Michel Embareck

La scène se passe à Roche-Les-Eaux, joyau thermal du désert français du milieu-mais-un-peu-à-gauche-sur-la-carte. Jeanne Moreau - rien à voir avec l'actrice - traverse le centre-ville pittoresque pour attraper le journal chez un marchand qu’on décrochera quelques minutes plus tard au couteau à pain du lustre auquel il s'est pendu. Désespérance provinciale ordinaire. Franck Wagner, contemporain de Jeanne et vieux routier des pages Justice d'une presse quotidienne régionale qui le « payait pour violer le secret de l’instruction », aujourd'hui à la retraite, a garé son camping car dans les environs. ll la détronche par hasard au comice agricole septennal que le monde entier envie à Roche-Les-Eaux ; soucieuse de son anonymat, l'intéressée s’en aperçoit et lui joue un fameux tour de cochon.
Le fait-diversier a du temps à perdre et la rancune tenace : il se rencarde sur cette condamnée confirmée en appel pour avoir truffé de plomb son mari Jean-Yves, embastillée puis graciée sous la pression d’un intense battage médiatique aux accents néoféministes avant sa canonisation par apposition de téléfilm sur TF1. Toute ressemblance avec la médiatisation récente d'une Calamity Jane septuagénaire de la même eau (sauvage, vous l'avez ?) n'est pas fortuite du tout. Or un ou deux éléments du dossier titillent le déconomètre de notre limier. C'est décidé, Wagner creusera l'affaire et publiera son enquête dans l'un de ces mooks épais et bien dans leur temps dirigé par une ancienne stagiaire à lui. « Pas pour l’argent, juste pour le plaisir de se sentir utile à quelque chose », ou plus sûrement parce que depuis son veuvage « il erre comme un manouche orphelin ».

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Presqu'îles, Yan Lespoux

Comme le rappelle Hervé Le Corre himself dans la préface de Presqu’îles, le Médoc de Yan Lespoux n’est pas celui des grands crus classés et des imposantes demeures bourgeoises pompeusement baptisées « châteaux » : il consiste en une pointe de terre coincée entre l’Atlantique et les vignobles des bords de Garonne, à la fois proche et éloignée de l’altière prospérité bordelaise, où les éléments, tels les habitants, se montrent diversement accueillants. Le premier recueil de nouvelles publié par ce professeur d’occitan et chroniqueur de romans noirs (www.encoredunoir.com mérite le détour) a largement valeur d’anti-guide touristique des landes médocaines, riche d’enseignements sur l’habitus local assortis des mises en garde à l’avenant.

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Passe-Partout s'est payé Mister Boo

Bien raconter la boxe, c’est dire une bonne histoire, surtout quand il s’agit de la vendre. Comme souvent, ce coup-ci, il a fallu un petit effort, forcer un peu sur les jalapeños du storytelling obligé. Rappeler l’héritage des grandes bagarres entre Mexicains, la promesse d’une guerre totale entre criquets fâchés comme pas possible, le tout à deux cents coups par round. Suggérer qu’on puisse vivre un second Zarate vs Zamora, un quatrième Morales vs Barrera ou un Vazquez vs Marquez numéro cinq, tant qu’on y était. Pensez donc : deux cogneurs invaincus ou presque, connus pour foutre en l’air huit ou neuf gars sur dix. Et puis un certain Mauricio Lara avait beaucoup fait pour la promotion : inconnu à peine une semaine plus tôt, il avait sévèrement embouti le champion anglais qu’il était censé remettre en forme – tu t’appelles Sam Warrington, tu as beau raconter ton enfance difficile à Leeds plage, tu donneras toujours l’impression aux mômes de Ciudad Juarez d’avoir fait l’École Alsacienne.

Avec Berchelt vs Valdez, on tenait une histoire.

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Pot-(pas)pourri hivernal

Les trois lecteurs réguliers de 130 livres l’auront remarqué, une semblable compilation fut publiée l’été dernier. Des papiers moins copieux que d’habitude – et partant, peut-être plus lisibles – dont l’un parlait déjà d’Hervé Le Corre. Il s’agit cette fois de trois sorties étonnamment récentes sur les cinq, en tout cas selon les standards de la maison, de deux auteurs américains pour deux français – l’intrus est écossais -, un choix plus courant ici, de deux romans noirs pour trois titres de littérature dite générale ou « blanche », si l’appellation a un sens, de trois romanciers à l’humour parfois corrosif et deux moins portés sur la déconne, et d’une autrice pour quatre auteurs, certes, mais pas n’importe laquelle, vu que le roman en question lui valut le dernier prix Renaudot.

Accessoirement, il n’est question que de bonne came, cinq livres lus vite et bien, donc tous avec plaisir, chroniqués ci-après dans l’ordre chronologique de leur dévoration :

Histoire du fils, Marie-Hélène Lafon

Un bon million !, Nathanael West

La foire aux serpents, Harry Crews

Traverser la nuit, Hervé Le Corre

Le champion nu, Barry Graham

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Matthew Saad Muhammad, donneur universel

Retour sur une vie et une carrière qui défient l'imagination.

Un combat de boxe se dispute sur un ring avec des gants rembourrés, il se divise en rounds séparés par une minute de repos, et il est toujours avisé de faire très gaffe lorsqu’on affronte chez lui un homme de Philadelphie. Marvin Johnson en est bien conscient, ce 26 juillet 1977, à l’heure de boxer un certain Matthew Franklin pour le titre nord-américain des mi-lourds. Philadephie a tout du point de passage obligé, à l’époque, pour s’élever dans les classements mondiaux ; elle produit à la chaîne des jeunes durs qui ont appris l’amour du travail bien fait. Connaisseur, son public se déplace en nombre pour des affiches entre prospects, dont les plus prometteurs se produisent au Spectrum, la salle du premier Rocky sorti l’année d’avant. C’est aussi en 1976 qu’un autre Marvin est venu se faire le cuir ici même, découvrant la défaite contre deux types du cru pas spécialement impressionnés par sa réputation de terreur de Nouvelle-Angleterre. À Philly, même Hagler a appris.