130 livres

130 livres

Littérature, boxe anglaise et parfois les deux à la fois

Antoine Faure

Des chroniques de livres nouveaux ou anciens, essentiellement en littérature française ou américaine, et des émissions sur l'actualité et l'Histoire de la boxe anglaise. NB : les sujets sur la boxe sont regroupés en Saison 1, les sujets "Divers" en Saison 2. Textes disponibles sur www.130livres.com

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Pot-(pas)pourri hivernal

Les trois lecteurs réguliers de 130 livres l’auront remarqué, une semblable compilation fut publiée l’été dernier. Des papiers moins copieux que d’habitude – et partant, peut-être plus lisibles – dont l’un parlait déjà d’Hervé Le Corre. Il s’agit cette fois de trois sorties étonnamment récentes sur les cinq, en tout cas selon les standards de la maison, de deux auteurs américains pour deux français – l’intrus est écossais -, un choix plus courant ici, de deux romans noirs pour trois titres de littérature dite générale ou « blanche », si l’appellation a un sens, de trois romanciers à l’humour parfois corrosif et deux moins portés sur la déconne, et d’une autrice pour quatre auteurs, certes, mais pas n’importe laquelle, vu que le roman en question lui valut le dernier prix Renaudot.

Accessoirement, il n’est question que de bonne came, cinq livres lus vite et bien, donc tous avec plaisir, chroniqués ci-après dans l’ordre chronologique de leur dévoration :

Histoire du fils, Marie-Hélène Lafon

Un bon million !, Nathanael West

La foire aux serpents, Harry Crews

Traverser la nuit, Hervé Le Corre

Le champion nu, Barry Graham

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Matthew Saad Muhammad, donneur universel

Retour sur une vie et une carrière qui défient l'imagination.

Un combat de boxe se dispute sur un ring avec des gants rembourrés, il se divise en rounds séparés par une minute de repos, et il est toujours avisé de faire très gaffe lorsqu’on affronte chez lui un homme de Philadelphie. Marvin Johnson en est bien conscient, ce 26 juillet 1977, à l’heure de boxer un certain Matthew Franklin pour le titre nord-américain des mi-lourds. Philadephie a tout du point de passage obligé, à l’époque, pour s’élever dans les classements mondiaux ; elle produit à la chaîne des jeunes durs qui ont appris l’amour du travail bien fait. Connaisseur, son public se déplace en nombre pour des affiches entre prospects, dont les plus prometteurs se produisent au Spectrum, la salle du premier Rocky sorti l’année d’avant. C’est aussi en 1976 qu’un autre Marvin est venu se faire le cuir ici même, découvrant la défaite contre deux types du cru pas spécialement impressionnés par sa réputation de terreur de Nouvelle-Angleterre. À Philly, même Hagler a appris.

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L'architecture, Marien Defalvard

Le 26 décembre 1991, on apprend la dissolution de l’URSS. Clermont-Ferrand est de ces villes de France dont nombre de rues, places et équipements publics furent nommés en son hommage et dont le bâti depuis la dernière guerre reflète le mieux les austères parti-pris formels. Un architecte parisien doit venir y séjourner ; on sait de lui qu’il a passé son enfance dans la préfecture auvergnate. L’homme doit y participer au concours organisé pour la conception du nouveau palais de justice. Pendant les semaines qu’il y passera, solitaire la plupart du temps, entre sa chambre d’hôtel deux étoiles, ses déambulations dans la ville transie de froid et quelques réunions avec les commanditaires du marché public, il consignera ses réflexions dans un journal : elles constituent l’essentiel des 300 pages de L’architecture.

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L'Anomalie, Hervé Le Tellier

En janvier 2021, un événement insensé bouleverse les vies d’une poignée d’hommes et de femmes, tous passagers d’un train de banlieue en provenance de Saint-Nom-La-Bretêche. Le 17h08 arrive à Saint-Lazare avec à son bord leurs parfaits alter ego du 19 octobre 2020. Parmi eux, Antoine rentre chez lui comme si de rien n’était, sauf qu’à la table du salon c’est un autre lui-même qui fignole un nouveau billet pour 130 livres.

Pour évacuer l’instant de légitime stupéfaction, les deux Antoines – on conviendra de les appeler « Octobre » et « Janvier » par commodité – s’entendent aisément sur l’ouverture d’un Côtes-du-Rhône (« Force majeure. Tant pis pour ma saleté de dry january. » « Attends, on est le 19, bel effort déjà. » « Tu imagines bien que je n’ai pas commencé à minuit pétantes le soir du non-réveillon« ). Sur un ton étrangement placide, les voici qui commentent les faits remarquables des trois derniers mois loupés par une moitié d’entre eux. Leurs échanges courtois sont ponctués de soupirs profonds suivis de « Enfin, tu vois le truc« , « Putain de sciatique« , « Bacri, quoi » ou « C’est pas comme si les Ricains avaient le cul sorti des ronces. » Jusqu’à ce que tombe la question :

JANVIER : Qui a eu le Goncourt, au fait ?

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American Dirt, Jeanine Cummins

« L’une des premières balles surgit par la fenêtre ouverte, au-dessus de la cuvette des toilettes devant laquelle se tient Luca »

Il est des bouquins dont l’incipit vous happe si brutalement que leur chronique elle-même s’affranchit d’une intrduction originale. American Dirt s’ouvre ainsi sur le massacre auquel échappent par miracle Lydia, libraire à Acapulco, et son fils Luca âgé de 8 ans. Parce que leur mari et père Sebastián a écrit sur le chef du cartel local des Jardineros, des tueurs s’immiscent en pleine fête de famille et liquident trois générations de convives. Lydia connaissait le commanditaire de la tuerie, Javier alias « La chouette », comme client de sa boutique. Qu’ils soient devenus amis n’aura donc rien changé : elle sait d’emblée qu’il faut fuir le Mexique dans l’instant, sans enterrer ses morts ni même repasser par chez elle, considérant qu’une police à la solde des Jardineros ne lui sera d’aucune aide. Le répit qu’offrent à Lydia sa débrouillardise et sa bonne étoile ne dure qu’un temps. Elle découvre, une fois rendue à Mexico, que le seul moyen de quitter le pays avec son fils sera d’emprunter La Bestia, le train de marchandises auquel s’arrime toute la misère de l’Amérique Latine qui rêve d’el norte quel qu’en soit le prix. Une tentative guère moins risquée qu’affronter les hommes de Javier…