130 livres

130 livres

Littérature, boxe anglaise et parfois les deux à la fois

Antoine Faure

Des chroniques de livres nouveaux ou anciens, essentiellement en littérature française ou américaine, et des émissions sur l'actualité et l'Histoire de la boxe anglaise. NB : les sujets sur la boxe sont regroupés en Saison 1, les sujets "Divers" en Saison 2. Textes disponibles sur www.130livres.com

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Méridien de sang, Cormac McCarthy

« Voici l’enfant. Il est pâle et maigre, sa chemise de toile est mince et en lambeaux. Il tisonne le feu près de la souillarde. Dehors s’étendent des terres sombres retournées piquées de lambeaux de neige et plus sombres au loin des bois où s’abritent encore les derniers loups. Sa famille ce sont des tâcherons, fendeurs de bois et puiseurs d’eau, mais en vérité son père a été maître d’école. Il ne dessoûle jamais, il cite des poètes dont les noms sont maintenant oubliés. Le petit est accroupi devant le feu et l’observe. »

Après un incipit aussi sublime, il faut quatre pages à Cormac McCarthy pour présenter le personnage de l’enfant et son périple initial de vagabond, la dureté du monde des hommes et celle de la nature, la connaissance approfondie qu’il en acquiert et les forces telluriques qui cabossent ainsi sa boussole morale au risque de la fausser à jamais. Une narration à ce point véloce et puissante n’est pas qu’une question de maîtrise de la syntaxe ou d’un épais dictionnaire de synonymes. Elle requiert une rare conscience de l’essentiel, formule qui résumait à elle seule les immenses qualités de La route. On attribue naturellement cette faculté à un auteur au faîte de ses talents, ayant accumulé l’expérience patiente d’un vétéran de son art ; de fait, lorsqu’il reçut le Pulitzer de la fiction pour son chef d’oeuvre de 2007, McCarthy était septuagénaire. Mais Méridien de sang fut publié plus de vingt ans auparavant, et l’écrivain y apportait déjà la preuve irréfutable de l’exact même pouvoir.

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La Marge d'erreur, Nicolas Rey

J’avoue m’être inscrit à une rencontre en ligne avec Nicolas Rey sans avoir jamais lu aucun de ses bouquins ni spécialement projeté d’acquérir le nouveau. Ce qui m’intéressait, c’était voir la bête, incarnation à la dépression télégénique d’un entre-soi culturellement hégémonique dont les canons édictés par l’esprit Canal des débuts et les fiches bristol de Thierry Ardisson pourraient se résumer d’un « Tout, sauf le premier degré ». Via Zoom, en lieu et place du chroniqueur universel et animal médiatique escompté, j’ai découvert ce jour-là un type épaissi et sincère, ne venant plus à Paris que pour regarder des séries sur OCS depuis son canapé et bouleversé à la simple idée que de vraies personnes pussent encore s’intéresser à sa prose.

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Drame au pays de la guillotine

Avec l’élimination précoce des Bleus, pour qui ambitionne une analyse technico-tactique un poil plus élaborée que le traditionnel « Rhalala sont trop payés », débute l’indispensable chasse aux fautifs tout trouvés. Pour l’heure, deux noms semblent avoir la faveur de la vindicte tricolore, ceux de Didier Deschamps et Kylian MBappé.

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Une brève histoire de l'ivresse, Mark Forsyth

Pourquoi buvons-nous ? Aussi douloureuse qu'inévitable un lendemain de cuite, la question s'impose plus largement dès que l'on constate combien la pratique s'est répandue dans le temps comme dans l'espace. Sur Terre, rares sont les endroits et les époques où l'être humain jamais ne picola. Il n'a d'ailleurs pas le monopole de l'ivresse : bien des animaux la pratiquent avec modération en consommant des fruits qui fermentent. L'alcool les attire, puis leur donne l'impression d'être affamés, ce qui leur permet de stocker d'autant plus de nutriments dans leur tissu adipeux. L'humanité a beau avoir développé l'enzyme de l'encaissement depuis sa descente des grands arbres, elle reste bien la seule à se coller d'authentiques ramasses avec enthousiasme et régularité. Son goût pour la gnôle fut très tôt déterminant dans l'évolution de son mode de vie : l'analyse des premières villes faisant foi, les historiens donnent à la bière un âge voisin de celui de la sédentarité et son brassage en fut probablement l'une des principales motivations... D'ailleurs, dès les Sumeriens, la bibine est omniprésente, on la boit à la paille dans d'archaïques tavernes et les débuts de l'écriture consistent à en tracer les échanges...