130 livres

130 livres

Littérature, boxe anglaise et parfois les deux à la fois

Antoine Faure

Des chroniques de livres nouveaux ou anciens, essentiellement en littérature française ou américaine, et des émissions sur l'actualité et l'Histoire de la boxe anglaise. NB : les sujets sur la boxe sont regroupés en Saison 1, les sujets "Divers" en Saison 2. Textes disponibles sur www.130livres.com

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Deux Cents Noirs nus dans la cave, Élie Robert-Nicoud

"Tous les personnages de ce récit ont existé, aucun d’entre eux n’est fictif, les noms n’ont pas été changés, tous les événements décrits ici appartiennent à la réalité. Ce récit n’en est pas moins une fiction. Entre autres, parce que tous ces personnages réels mentent sur la réalité et dans la réalité, à tort ou à raison, avec de bonnes ou de mauvaises raisons."

Ce qu’Élie Robert-Nicoud annonce d’emblée vaut aussi pour l’éditeur : le bandeau orné de la photo de Muhammad Ali qui ceint Deux Cents Noirs nus dans la cave laisse imaginer un énième bouquin consacré au Greatest, rare sujet vendeur en littérature pugilistique, alors qu’il n’est qu’un des nombreux personnages de la fascinante affaire dont il est question, voire un simple élément de son contexte. Évidemment, parce qu’il s’agit de Muhammad Ali, cette assertion n’est pas tout à fait vraie non plus, tant sa présence physique et symbolique pèse sur les 142 pages du récit, une présence à ce point formidable que les apparitions du champion peuvent provoquer toute sorte d’événements abracadabrantesques.

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Le secret de Joe Gould, Joseph Mitchell

Joe Gould est un drôle de petit bonhomme un peu malingre qui hante depuis un quart de siècle les bars, les cafétérias, les restaurants et les bouis-bouis de Greenwich Village. Il se vante parfois, non sans ironie, d’être le dernier représentant de la bohème. « Tous les autres se sont perdus en route, explique-t-il volontiers. Les uns sont au cimetière, d’autres chez les fous, et ceux qui restent travaillent dans la publicité. »

L’incipit du Secret de Joe Gould donne d’emblée la certitude que son auteur tient là un personnage de roman parfait entre tous. Flottant dans d’antiques costumes de prix, ce clochard originaire du Massachussetts devint une célébrité dans son quartier de gens de lettres pour ses manières excentriques et son diplôme de Harvard. On ne saurait rêver plus parfaite incarnation du milieu artistique newyorkais au siècle dernier, avant que Manhattan ne se transforme en parc d’attractions ripoliné à l’usage exclusif des plus fortunés. Notre lutin hirsute se dit frappé d’une aversion pour la propriété privée, source de sa situation précaire. Il avale régulièrement tout le contenu des bouteilles de ketchup laissées à sa portée dans les cafétérias, garnit de mégots son fume-cigarettes et aime nourrir les pigeons de Washington Square qu’il appelle chacun par son nom.

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Notre part de nuit, Mariana Enriquez

Les fantômes sont réels. Et ce ne sont pas toujours ceux qu’on appelle qui viennent.

  1. Veuf de Rosario, Juan est un géant blond à la beauté irréelle, son fils de six ans Gaspar un môme très dégourdi. Cardiaque, Juan faiblit lorsqu’il utilise ses pouvoirs de médium : il peut ainsi invoquer une force occulte appelée Obscurité, influencer les humains, contacter les morts ou faire disparaître leurs spectres errants. Le sexe régénère son énergie vitale. Son fils semble avoir hérité de ses dons. Or les médiums sont exploités par l’Ordre, une organisation occulte dirigée par la riche famille de Rosario qui aspire à obtenir la vie éternelle. Juan refuse que Gaspar leur soit soumis. Il consent à participer à un ultime Cérémonial, où l’Obscurité qu’il invoque dévore les chairs de victimes sacrificielles et d’initiés de l’Ordre, puis prend la fuite avec son fils. Par la suite, on suivra tantôt Juan, tantôt Gaspar, du Buenos Aires de la dictature militaire à celui du retour de la démocratie, en passant par un flash-back dans le Londres psychédélique des Seventies. La famille que forment désormais le père et le fils échappera-t-elle aux noirs desseins de l’Ordre tout-puissant ?
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Le cavalier de la nuit, Robert Penn Warren

Riche idée que celle de rééditer un livre majeur sur les vertiges du populisme en pleine campagne électorale : on la doit ici aux Éditions Séguier, sixième maison française en autant de livres de Robert Penn Warren que j’eus le grand plaisir de lire jusqu’à présent. Le cavalier de la nuit fut le premier roman de ce rare triple vainqueur d’un prix Pulitzer, je le rappelle à chaque billet, deux fois en poésie et une en fiction pour Tous les hommes du roi (abordé sur 130livres.com dans ses versions traduite et originale). Sept ans séparent la publication de ces deux oeuvres éminemment politiques et les correspondances entre elles, on le verra, sont légion. À découvrir un roman traitant de thèmes voisins après avoir lu le chef d’oeuvre de son auteur, le risque est réel sinon d’une déception, au moins de se sentir un tantinet blasé. Il n’en fut rien : si ce Cavalier de la nuit n’a pas tout à fait la densité extraordinaire de son prestigieux successeur, on y trouve déjà le mélange de maîtrise, de lyrisme et d’intelligence pure qui subjuguent à la lecture de Tous les hommes du roi.

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Un barrage contre l'Atlantique, Frédéric Beigbeder

Lire un livre tout entier en un après-midi apaise le chroniqueur qui se croit surmené.

Dès la deuxième page, Beigbeder s’assume ici en phraseur indécrottable.

Rien de plus retors qu’un critique littéraire, il anticipe chaque coup de raquette de ses homologues.

Que l’auteur ait intitulé sa première partie « Phrases » eût certes pu nous mettre sur la voie encore plus tôt ; que lesdites « Unités grammaticales composées d’éléments ordonnés, capables de porter l’énoncé complet d’une proposition », selon le Larousse, composent un propos discontinu et soient espacées d’un double interligne accentue l’effet produit.