130 livres

130 livres

Littérature, boxe anglaise et parfois les deux à la fois

Antoine Faure

Des chroniques de livres nouveaux ou anciens, essentiellement en littérature française ou américaine, et des émissions sur l'actualité et l'Histoire de la boxe anglaise. NB : les sujets sur la boxe sont regroupés en Saison 1, les sujets "Divers" en Saison 2. Textes disponibles sur www.130livres.com

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Boxer comme Gratien, Didier Castino

Je dois ma découverte du nom de Gratien Tonna à un lieu que je détestais souverainement, la salle d’agrès du collège-lycée de garçons que je fréquentai jusqu’au début des années 90. Unique élément de décoration dans la pièce grise, haute de plafond et remplie d’appareils de torture diversement sophistiqués, une affiche « Valdés vs Tonna » ; je soupçonne le très baraqué Monsieur David, professeur de gym courtaud aux épais favoris qui aimait à brandir ses poings en proposant « Tu veux Starsky ou Hutch ? », d’être à l’origine de ce choix. Mon intérêt pour la boxe était déjà prononcé, c’est devenu une vraie marotte depuis bien longtemps, mais je devais concéder jusqu’il y a peu une connaissance limitée dudit Tonna, guère plus que le contenu sommaire de sa page Wikipedia. Voilà qui pourrait étonner quand on sait mon approche compulsive du sujet et le fait que ce boxeur tricolore ait détenu les titres national et européen des moyens avant d’affronter deux vrais cadors pour une ceinture mondiale, la légende argentine Carlos Monzon et donc le Colombien Rodrigo Valdés dessiné sur l’affiche évoquée plus haut. Le premier Français à combattre à Las Vegas, quoi. Il existe bien un mystère Gratien Tonna, une épaisse somme de non-dits qui a de quoi intriguer et que Didier Castino s’est employé à mettre au jour...

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Nein, Nein, Nein !, La dépression, les tourments de l'âme et la Shoah en autocar, Jerry Stahl

Journaliste, scénariste et ex toxicomane — il a d’ailleurs brièvement contribué à la série Alf alors qu’il était sous héroïne — issu d’une longue lignée de suicidaires, Jerry Stahl explique en introduction comment lui est venue l’idée d’aller découvrir Auschwitz en 2016 via les services d’un voyagiste : « Pourquoi rester dans ce pays, à écouter geindre de simples néonazis genre les Proud Boys, quand s’offrait la possibilité de remonter à la source, en Pologne et en Allemagne, pour voir de l’intérieur le fief des authentiques nazis du cru ? » C’est que le bougre, qui a aussi œuvré entre autres à l’écriture d’un polar délirant intitulé À poil en civil et d’une dizaine d’épisodes des Experts, n’aime pas beaucoup Donald Trump et son empreinte sur les États-Unis ; il ajoute qu’entre 2016 et 2021, lorsqu’il mettrait la dernière main à Nein, Nein, Nein !, l’orangé président aurait encore repoussé selon lui les limites de l’horripilant. Et puis revisiter le pire de l’Histoire l’aurait peut-être aidé à relativiser sa dépression inextinguible — et, dans le cas contraire, à pouvoir enfin l’étayer de motifs suffisamment solides — ainsi qu’à boucler le projet de série autobiographique commandé par ABC qui devait parler de son mariage heureux avec une jeunesse. Précisons que Stahl, en panne d’inspiration, serait bientôt divorcé une troisième fois...

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Pot-(pas) pourri printanier 2024

Vous l’aurez remarqué : pour des tas de raisons diversement bonnes, les longues recensions ne n’empilent plus sur le site, du moins pour le moment. Je poste malgré tout de loin en loin de plus courtes chroniques sur Instagram, dont celles de cinq lectures de ce début d’année qui eurent toutes en commun que leurs auteurs (ou l’éditeur français, dans le cas du plus mort des cinq) me les proposèrent en service presse, et que chacune recelait, fort heureusement pour moi, assez de bonnes surprises pour en parler en bien sans verser dans le copinage le plus vil. Voici par ordre chronologique de publication sur Insta les billets enrichis des incipits concernés à propos de :

  • Rendez-vous à la porte dorée d’Agathe Ruga
  • Los Muertos d’Eric Calatraba
  • Un moment de doute de Jim Nisbet
  • La maison de jeu de Charles Roux
  • Saturation de Thael Boost
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Seinfeld ou 180 nuances de rien

"Et bien je ne peux quand même pas passer le reste de ma vie à venir toutes les 10 minutes dans ce fichu appartement pour décortiquer les détails les plus insignifiants du moindre événement du quotidien !"

Elaine Benes, The Bizarro Jerry

Voilà. Autant laisser le fardeau consistant à résumer les 180 épisodes de Seinfeld, diffusés entre 1989 et 1998, à l'une de ses quatre stars. Peuplée d'individus qui s'acharnaient à n'évoluer sur aucun plan, la sitcom reine de la fin du siècle dernier sur NBC fut couramment désignée par la formule "The show about nothing" après la diffusion de sa très méta saison 4, où deux de ses personnages tentaient de vendre au puissant network américain une série télévisée dans laquelle, justement, il n'eût été question de "rien". Jerry Seinfeld, légende du stand-up newyorkais qui lui donna son nom, fut vite agacé par cette étiquette : non, Seinfeld n'était pas dénuée d'un propos. Il s'agissait au contraire de montrer comment l'observation du quotidien le plus banal nourrissait son travail de comique. Ainsi, chaque épisode fut longtemps introduit et clos par quelques secondes de sketches interprétés par Jerry sur la scène d'un comedy club, et inspirés par les aventures minuscules et foutraques vécues avec ses trois meilleurs amis et relatées dans le reste des 22 à 23 minutes d'antenne.

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Son odeur après la pluie Cédric Sapin-Defour

Lorsqu’il écrivit Le chien mouillé en 1998, Christophe Miossec ne s’imaginait pas solliciter notre mémoire olfactive d’une manière agréable. Il s’agissait de qualifier l’épais et trouble jus clapotant dans le crâne de celui qui décide de rompre une relation amoureuse sans bien savoir dire pourquoi, en s’enfuyant comme un voleur au beau milieu de la nuit. Miossec sait écrire, c’est même ce qui le distingue de l’essentiel des artistes de variétés contemporains et lui permet, plus tard dans la chanson, de caser « mon slip Eminence » sans rien ôter à la mélancolie qu’elle suscite chez l’auditeur. En somme, on comprend dans l’instant combien ces relents de clébard dégouttant disent tout d’un type plus ou moins fier de sa propre psyché, engagé dans une idylle mort-née. Vingt-cinq ans plus tard, Cédric Sapin-Defour use de l’exacte même évocation pour rendre compte cette fois de la nostalgie d’un amour qui en aura complètement valu la peine, celui qu’il voua à un bouvier bernois nommé Ubac. La relation l’aura fait grandir quand celle de Miossec le renvoya à ses abîmes intimes. L’odeur du chien mouillé dit tout et son contraire avec une profonde justesse. Beauté de la langue française, que Sapin-Defour travaille lui aussi avec un talent certain, ce qui le démarque tout autant parmi ses pairs.