La doucereuse désespérence de ceux qui peuplent nos villes moyennes inspire bien des auteurs d’un pays fasciné par son mal-être contemporain. À défaut d’y trouver des solutions, le génie français consiste à en faire des livres. Gare à la lassitude, cependant : Nicolas Mathieu a déjà trois successeurs au palmarès du Goncourt depuis qu’il fut sacré pour 425 pages consacrées à un vol de mobylette dans la Moselle profonde. Au moins l’auteur de Leurs enfants après eux avait-il su extraire un fameux morceau de littérature de sa poignée de destins tristement ordinaires. Pour accablant que puisse être le gris du réel, il ne justifie pas qu’on en fasse des bouquins ternes. Comme la bourgade éponyme de Villebasse, premier roman d’Anna de Sandre, baigne tout l’hiver dans la lueur bleutée d’une lune surnuméraire, une langue bien particulière éclaire les 37 courts chapitres de ce texte inclassable, empêchant le lecteur de trouver le temps aussi long que la plupart de ses nombreux personnages.