Ne vous y trompez pas : ultime roman publié du vivant d’un auteur révéré, Monsieur Ouine est voué à une classification dans la noble littérature dite « générale » ou « blanche », mais il s’agit bien d’un livre d’épouvante. Ou, s’il faut être précis, une oeuvre à la noirceur parfaite au long de laquelle Georges Bernanos étire comme une pâte dense et gluante la substance même de sa peur la plus intime, celle d’un monde qui aurait renoncé à Dieu. Ce monde-là s’appelle Fenouille, commune rurale du nord de la France, guère encore atteinte par la modernité au lendemain de la Der des Ders. Fenouille, sa mairie, son château, son église, sa poignée de belles demeures et ses douzaines de masures anonymes, autant dire l’habitat naturel d’une normalité chimiquement pure. Sauf que rien, à Fenouille, ne fonctionne comme attendu.