L’année 2020 aura vu l’éditeur américain Walker books refuser la traduction d’Alma – Le vent se lève, du Français Timothée de Fombelle, au motif que ce dernier y aborde le thème de l’esclavage de sa propre perspective d’homme blanc, soit un flagrant délit d’appropriation culturelle insupportable aux yeux de certains. Qui pis est, en adoptant le point de vue doublement étranger d’une petite fille africaine. Considérant notre propension à intégrer toujours plus vite les nouveaux dogmes culturels venus d’Outre-Atlantique, gageons qu’une prochaine réédition française de L’Esclave libre, de Robert Penn Warren, reste passablement hypothétique. D’un profil comparable à celui de Fombelle, le triple prix Pulitzer y adopta en effet une démarche assez similaire, visant cette fois un public adulte. Le forfait date déjà de 1955, mais le propre de la cancel culture contemporaine est de réfuter l’idée même de prescription.