Une poignée de jours après l’éviction des Bleus de leur supposée Coupe du Monde, il est entendu que se replonger dans l’univers du rugby relève d’un certain masochisme. Mais Benoit Jeantet a sous-titré son dernier livre Mélancolies Ovales, ce qui tendrait à prouver que ce recueil de courtes nouvelles s’accorde bien à ce mois d’octobre devenu gris d’un coup. Avant même d’être un bricolage de souvenirs très personnels, Le ciel a des jambes est une œuvre d’esthète, un travail de la langue à l’ancienne et qu’on devine patient, tantôt poétique, suranné, rustique, populaire ou truculent, et bien souvent tout ça à la fois, sur des rythmes pesés à la syllabe près. Il y est question d’un monde de troisièmes mi-temps où chacun socialise selon son poste sur le terrain et l’on revit le match de l’après-midi ou bien celui d’il y a trente ans. Passé et présent s’entrecroisent mille fois dans ces instantanés où l’auteur tente régulièrement de nous perdre, usant parfois de répétitions bien placées. Les nouvelles se succèdent, le point de vue change à chaque fois, « je » est souvent un ancien joueur qui se souvient, recroise des personnages connus, coéquipier, mécène, fan, plumitif avec qui se ressassent les histoires de bonshommes, on commence par causer rugby et puis finissent par affleurer tous les drames minuscules qui façonnèrent chacun.