Lire un phénomène de précocité expose à la déprime autant qu’à l’admiration pour peu que l’on se pique d’essayer d’écrire. Que dire alors de La Côte sauvage, roman de Jean-René Huguenin publié avant qu’il n’atteigne le quart de siècle, soit deux ans avant sa mort dans un accident de Mercedes ? Qu’il est susceptible de procurer, en plus desdites déprime et admiration en quantité appréciable, une authentique mélancolie en imaginant le legs considérable dont nous aura privés cette collision fatale entre Ablis et Rambouillet. Ce qui reste de lui, pour l’essentiel, consiste en un journal de jeune homme en guerre avec son époque préfacé par François Mauriac, des recueils d’articles, textes et correspondances – en 26 ans d’existence, le bougre aura tout de même œuvré – ainsi qu’un unique roman, fameux succès d’édition de l’année 1960. Quiconque connaît un peu la langueur des vacances en Bretagne de la bonne bourgeoisie parisienne peut imaginer qu’en faire l’objet d’une chronique de mœurs ne garantit pas de passionner son monde. De fait, il fallait un talent particulier pour obtenir un résultat à ce point inoubliable.