Luke Rhinehart a 86 ans, s’appelle George Cockcroft selon l’état civil américain, a vu le jour et réside à Albany (New York), publie beaucoup sur Facebook, et n’est certainement pas le dernier pour la déconnade. Ainsi doit-il son statut d’auteur culte à un roman subversif entre tous publié en 1971, L’homme-dé, et l’ambiguïté savamment entretenue depuis avec son personnage principal, un certain Rhinehart, Luke. Emmanuel Carrère relata dans la revue XXI – puis dans Il est avantageux d’avoir où aller – sa propre investigation sur le sujet, jusqu’à visiter l’écrivain dans son antre, en vue de savoir à quel point L’homme-dé était bien autobiographique. L’enjeu était conséquent : le Luke Reinhart du bouquin, psychanalyste new-yorkais introduisant le pur hasard dans ses prises de décisions quotidiennes puis celles de ses patients, franchissait une à une les barrières juridiques et morales de l’homme civilisé, et suscitait scandale et facination...