Si l’essentiel des 894 pages d’Et quelquefois j’ai comme une grande idée consiste en une immersion dans la psyché des Stamper, famille de bûcherons établie à Wakonda (Oregon), le lecteur en apprendra presque autant sur le clan en se tenant aux seules descriptions de la demeure familiale. Depuis longtemps, les habitants des environs ont pris soin d’éloigner leur logis des bras de la rivière éponyme, dont l’inexorable érosion des berges conduit fatalement à la voir emporter toute construction à sa portée. Mais ce serait mal connaître ces têtes de pioches de Stamper que de les croire intimidés par un stupide cours d’eau.

Aussi s’emploient-ils quotidiennement à renforcer le fatras de poutres, câbles, cailloux et traverses sur lequel repose leur grande baraque de bois, remplie jusqu’à la gueule d’un fameux bric-à-brac. Depuis que l’ancêtre Jonas a quitté le Kansas pour l’Oregon, cèdant une dernière fois à l’appel du grand Ouest avant d’en repartir vaincu par la nature hostile, ses descendants ont décidé qu’ils ne cèderaient jamais plus le moindre pouce de terrain aux hommes ou aux rivières.