Entreprendre de chroniquer un classique présente le risque de trop vouloir s’en montrer à la hauteur, voire de s’y mesurer. Pas sur le plan de l’écriture – il faudrait être sacrément benêt -, mais dans sa propre compréhension de l’oeuvre. On s’efforcerait ainsi de cocher toutes les bonnes cases pour montrer qu’on aurait parfaitement cerné le bazar, collecté tous les indices semés par l’auteur et élucidé le moindre des mystères soumis à notre sagacité. L’affaire est doublement impossible lorsque l’on s’attèle à la recension d’Au-dessous du volcan, en dépit de l’effort de pédagogie excentrique consenti par l’écrivain dans sa préface. Cette dernière constitue en soi un morceau d’écriture bien particulier : Malcolm Lowry y livre quelques clés de compréhension du texte sous forme de réponse à l’un des éditeurs ayant exigé d’amples corrections avant de le publier. Dieu sait s’il reçut en nombre des requêtes approchantes.
Une authentique histoire d’ivrogne
Malgré de tels éclaircissements, comme l’importance du nombre « 12 » dans la construction du roman – il renvoie à rien de moins que la Kabbale -, il reste vain de prétendre démêler dans son intégralité l’entrelacs complexe des métaphores et signes divers qui abondent au fil des… douze chapitres. La matière dense d’Au-dessous du volcan est d’autant plus difficile à pénétrer qu’elle est indissociable de son sujet, très ancré dans l’art de son auteur et sa vie en général : « écrire enfin une authentique histoire d’ivrogne », comme il l’affirme en introduction. En tant que lecteur, on peut s’émerveiller de la réussite de son projet. Jamais l’ivresse ne fut mieux décrite du point de vue du pochard. Mais le sens profond du propos de Lowry et de l’errance de son protagoniste, lui, échappera au moins en partie à quiconque n’aura pas vécu leur exacte expérience… même ceux qui croient bien connaître la compagnie de la gnôle, dont je suis.