130 livres

130 livres

Littérature, boxe anglaise et parfois les deux à la fois

Antoine Faure

Des chroniques de livres nouveaux ou anciens, essentiellement en littérature française ou américaine, et des émissions sur l'actualité et l'Histoire de la boxe anglaise. NB : les sujets sur la boxe sont regroupés en Saison 1, les sujets "Divers" en Saison 2. Textes disponibles sur www.130livres.com

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Pot-(pas) pourri printanier 2024

Vous l’aurez remarqué : pour des tas de raisons diversement bonnes, les longues recensions ne n’empilent plus sur le site, du moins pour le moment. Je poste malgré tout de loin en loin de plus courtes chroniques sur Instagram, dont celles de cinq lectures de ce début d’année qui eurent toutes en commun que leurs auteurs (ou l’éditeur français, dans le cas du plus mort des cinq) me les proposèrent en service presse, et que chacune recelait, fort heureusement pour moi, assez de bonnes surprises pour en parler en bien sans verser dans le copinage le plus vil. Voici par ordre chronologique de publication sur Insta les billets enrichis des incipits concernés à propos de :

  • Rendez-vous à la porte dorée d’Agathe Ruga
  • Los Muertos d’Eric Calatraba
  • Un moment de doute de Jim Nisbet
  • La maison de jeu de Charles Roux
  • Saturation de Thael Boost
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Seinfeld ou 180 nuances de rien

"Et bien je ne peux quand même pas passer le reste de ma vie à venir toutes les 10 minutes dans ce fichu appartement pour décortiquer les détails les plus insignifiants du moindre événement du quotidien !"

Elaine Benes, The Bizarro Jerry

Voilà. Autant laisser le fardeau consistant à résumer les 180 épisodes de Seinfeld, diffusés entre 1989 et 1998, à l'une de ses quatre stars. Peuplée d'individus qui s'acharnaient à n'évoluer sur aucun plan, la sitcom reine de la fin du siècle dernier sur NBC fut couramment désignée par la formule "The show about nothing" après la diffusion de sa très méta saison 4, où deux de ses personnages tentaient de vendre au puissant network américain une série télévisée dans laquelle, justement, il n'eût été question de "rien". Jerry Seinfeld, légende du stand-up newyorkais qui lui donna son nom, fut vite agacé par cette étiquette : non, Seinfeld n'était pas dénuée d'un propos. Il s'agissait au contraire de montrer comment l'observation du quotidien le plus banal nourrissait son travail de comique. Ainsi, chaque épisode fut longtemps introduit et clos par quelques secondes de sketches interprétés par Jerry sur la scène d'un comedy club, et inspirés par les aventures minuscules et foutraques vécues avec ses trois meilleurs amis et relatées dans le reste des 22 à 23 minutes d'antenne.

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Son odeur après la pluie Cédric Sapin-Defour

Lorsqu’il écrivit Le chien mouillé en 1998, Christophe Miossec ne s’imaginait pas solliciter notre mémoire olfactive d’une manière agréable. Il s’agissait de qualifier l’épais et trouble jus clapotant dans le crâne de celui qui décide de rompre une relation amoureuse sans bien savoir dire pourquoi, en s’enfuyant comme un voleur au beau milieu de la nuit. Miossec sait écrire, c’est même ce qui le distingue de l’essentiel des artistes de variétés contemporains et lui permet, plus tard dans la chanson, de caser « mon slip Eminence » sans rien ôter à la mélancolie qu’elle suscite chez l’auditeur. En somme, on comprend dans l’instant combien ces relents de clébard dégouttant disent tout d’un type plus ou moins fier de sa propre psyché, engagé dans une idylle mort-née. Vingt-cinq ans plus tard, Cédric Sapin-Defour use de l’exacte même évocation pour rendre compte cette fois de la nostalgie d’un amour qui en aura complètement valu la peine, celui qu’il voua à un bouvier bernois nommé Ubac. La relation l’aura fait grandir quand celle de Miossec le renvoya à ses abîmes intimes. L’odeur du chien mouillé dit tout et son contraire avec une profonde justesse. Beauté de la langue française, que Sapin-Defour travaille lui aussi avec un talent certain, ce qui le démarque tout autant parmi ses pairs.

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Le boxeur, la soirée et le combat de l'année

Le boxeur la soirée et le combat de l'année
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Le boxeur de l’année 2023 est japonais, se teint les cheveux et s’épile les sourcils comme les chanteurs pop de son pays, et pèse 55kg la veille de ses combats. Désigner Naoya Inoue n’est certes pas une prime à la déconstruction : on parle probablement du plus grand boxeur dans l’histoire d’un pays à riche tradition pugilistique, un homme qui concentre la colère de Dieu dans ses poings mais veille avant tout à boxer comme il faut. Des mi-mouche aux super-coqs, le KO qui s’ensuit relève d’une logique implacable sans être une fin en soi. Et si ce « Monster » au sourire d’angelot androgyne en prend une ou deux bonnes à chaque combat, le bougre a continué à avancer sur un puncheur aussi terrifiant que Nonito Donaire en dépit d’un plancher orbital fracturé. Bon courage aux suivants...

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Le sommeil de la raison, Gabrielle Wittkop

Le Sommeil de la raison dont il est ici question est celui qui, selon Goya, « engendre des monstres » : sa gravure éponyme montre un artiste endormi entouré de bêtes fantasmagoriques à poils et à plumes. Les monstres de Gabrielle Wittkop, eux, sont à la fois humains et bien plus terrifiants. Sans doute l’autrice de Hemlock chérissait-elle ses personnages de damnés, mais enfin ses lecteurs sont fondés à les considérer comme la lie de l’humanité, ou guère loin. Chaque nouvelle du présent recueil nous offre sa ou ses propres abominations anthropomorphes. qui reviendront hanter jusqu’aux malheureux pourtant confiants dans leur pratique de l’autrice la plus délicieusement dépravée des lettres françaises. Celle qui naquit à Nantes Gabrielle Ménardeau maîtrisait les fictions brèves autant que les romans, l’affaire est incontestable une fois achevées ces six nouvelles dégouttantes de cruauté et de fluides corporels divers, oscillant entre poésie noire et réalisme cru. Wittkop affirma sur le tard « avoir voulu mourir comme elle avait vécu : en homme libre », et cette liberté fut pour elle toujours synonyme d’exigence, mêlant cette fois à l’étendue du vocabulaire et la majesté de la syntaxe des narrations complexes aux points de vue changeants. Le lecteur méritera sa gratification.